Oscar Wilde disait des cyniques qu’ils connaissent le prix de tout et la valeur de rien. En Bourse, être en mesure de faire la différence entre le prix et la valeur d’un titre est vital à la prise de bonnes décisions d’investissement.
On sait depuis Benjamin Graham que la volatilité des cours de Bourse est avant tout une source d’opportunités. Mais pour saisir des opportunités d’investissement, encore faut-il avoir une idée de la valeur intrinsèque d’une société cotée.
Définition de la valeur intrinsèque
Dans son ouvrage Security Analysis, Benjamin Graham reconnaît qu’il s’agit d’un "concept insaisissable". "En termes généraux, on l’assimile à la valeur justifiée par des faits, par exemple, les actifs, résultats, dividendes…", écrit-il (page 64 de l'édition de 2009). On a pu également assimiler la notion à la « capacité bénéficiaire" ("earning power") d’une société.
Il faut reconnaître que depuis ses écrits, les techniques d’analyse financière – qui consistent à actualiser un flux de trésorerie (résultat, dividende ou flux de trésorerie disponible) – n’ont guère évolué : il s’agit de valoriser un titre à partir de sa capacité à dégager un résultat de manière plus ou moins pérenne et d’actualiser ce flux avec un taux qui mesure la rémunération attendue par apporteurs de capitaux.
Bref, les méthodes d’évaluation restent très rudimentaires dans leur logique et montrent surtout qu’il existe autant de valeurs pour un titre donné qu’il y a d’évaluateurs. La finance est loin d’être une science exacte…
A quoi sert la valeur intrinsèque ?
C’est d’ailleurs un des points importants avancés par Graham dès les années 1930 : "l’analyse de titre ne cherche pas à déterminer de manière exacte quelle est la valeur intrinsèque d’un titre. Elle doit seulement établir si la valeur est adéquate – par exemple pour protéger une obligation ou justifier l’achat d’une action – ou si la valeur est considérablement au-dessus ou considérablement en-dessous du cours de Bourse." (page 66)
La valeur intrinsèque d’un titre doit donc servir de point de repère à l’investisseur, pour lui permettre d’évaluer grossièrement si son cours de Bourse offre ou pas une opportunité d’investissement.
Comme ce travail est particulièrement imprécis, Graham recommande de prendre en compte une "marge de sûreté", dont le but est justement de se prémunir contre les erreurs d’estimation de la valeur intrinsèque d’un titre.
Car, comme il aimait à le rappeler (reprenant en cela les propos de Keynes), le marché n’est pas une machine qui pondère la valeur d’un titre, c’est davantage "une machine à voter, où un nombre incalculable d’intervenants enregistrent leurs choix qui sont le produit partiel de la raison et de leurs émotions." (page 70)