L’Asie va-t-elle connaître une tempête financière de l’ampleur de celle qui avait emporté la plupart de ses économies ? Les signes de fragilité se multiplient, mais certains observateurs estiment que le risque de répétition d’un tel événement est encore limité à l’heure actuelle.
Pourtant, la mécanique de la crise semble bien la même : une augmentation des déficits des balances courantes de plusieurs pays dans des proportions inquiétantes, comme l’Indonésie ou la Thaïlande, et une fragilité provoquée par les mouvements de capitaux qui s’amplifient depuis l’annonce par la Fed, en mai dernier, de son intention de réduire puis d’arrêter d’ici mi-2014 ses achats d’actifs.
La décision de la Fed a eu plusieurs conséquentes fâcheuses pour les pays émergents : une remontée brutale des taux d’intérêt et des rapatriements de capitaux tout aussi violents. Les investisseurs à la recherche de rendements plaçaient alors d’importantes sommes d’argent dans les pays émergents au motif que les rendements offerts sur leurs émissions (dette ou actions) étaient bien plus attrayants que dans les pays développés, avec des "fondamentaux" en général de meilleure qualité.
La situation a commencé à se détériorer avec la multiplication des signaux de ralentissement en provenance de l’économie chinoise, laquelle joue un rôle moteur dans la région. Dans le même temps, les signes d’affermissement de la croissance aux Etats-Unis ont profité au dollar, ce qui a incité de nombreux investisseurs à déboucler des opérations de carry trade, rachetant leurs dollars et vendant les devises de la région.
La balance courante de plusieurs pays s’est détériorée, augmentant le besoin de financement à l’extérieur, comme l’Indonésie ou l’Inde.
"Ce n’est pas le moment d’avoir une détérioration de sa balance courante qui requiert un financement en dollars US, ou de manière équivalente, trop de dette détenue par des non-résidents, en particulier sur des échéances courtes, ou un taux de change non compétitif durant ces périodes", observent les analystes de Bank of America Merrill Lynch dans une étude datée du 2 septembre.
"Ce qui se passe aux Etats-Unis a un impact disproportionné sur les marchés asiatiques", ajoutent-ils. Deux tiers des économies asiatiques suivies par la banque américaine dans son étude multiplient les signes de vulnérabilité financière, ce qui se traduit par une chute des Bourses locales (graphique).
Source: J.P.Morgan Asset Management
Quelques éléments doivent nuancer ce constat plutôt pessimiste. Tout d’abord, le niveau de vulnérabilité déjà intégré par le marché est encore en-deçà de ce qui était observé en 1997. Ensuite, les fondamentaux de nombreux pays n’ont rien à voir avec la situation de 1997, rappelle-t-on chez J.P.Morgan Asset Management.
Enfin, la valorisation des Bourses asiatiques est plus modérée qu’en 1997 : avec un ratio cours sur actif (Price-to-Book) de 1,4x, contre 2,2x avant la crise de 1997, les marchés semblent avoir déjà pris conscience de la difficulté de l’environnement économique et financier actuel.
A court terme cependant, tant que la Fed n'aura pas clarifié les modalités de son action concernant ses achats d'actifs et que la visibilité sur l'évolution de l'économie chinoise (mais aussi américaine ou européenne) ne sera pas meilleure, les marchés émergents d'Asie risquent d'en faire les frais - ce qui devrait à tout le moins inciter à une certaine prudence de la part des investisseurs pendant quelques temps.