Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management. Les inter-titres ont été rajoutés par Morningstar.
La sous-performance persiste
Les marchés émergents ont débuté l’année comme ils avaient achevé 2013 – en baisse. L’indice MSCI EM a perdu de 3,9 % depuis le début du mois, restant ainsi à la traîne des marchés d’actions américains, européens et japonais.
Ce recul confirme la poursuite de leur sous-performance par rapport aux marchés développés depuis qu’ils ont atteint leur pic en octobre 2010 ; en 2013, leur indice a sous-performé celui des actions américaines de 23 %.
L’heure est-elle venue de se pencher à nouveau cette catégorie d’actifs ? La question est notamment de savoir si le stade actuel du cycle et la révision à la hausse des prévisions de croissance mondiale militent en faveur des marchés émergents, ou simplement de savoir s’ils sont devenus suffisamment « bon marché » pour mériter un réexamen.
Sur le front de la croissance, les prévisions américaines et mondiales ont récemment fait l’objet d’une série de révisions à la hausse. La semaine dernière, le FMI a relevé de 2,6% à 2,8% ses prévisions de croissance du PIB américain (en termes réels) pour 2014. On notera avec intérêt que les marchés ont le net sentiment que l’estimation du FMI est quelque peu « en retrait par rapport à la réalité » et que la croissance pourrait plutôt s’établir autour de 3,25% en 2014. Le Fonds table sur une accélération de la croissance du PIB mondial (termes réels) de 3,0% à 3,7% en 2014, puis à 3,9% en 2015.
Nouveau modèle de croissance
Curieusement, le FMI a relevé sa prévision pour la croissance chinoise de 7,2% à 7,5% pour 2014, mais anticipé un léger recul à 7,3% pour 2015. Un analyste sell-side a cependant émis l’idée qu’une accélération de la croissance américaine pourrait ne pas apporter autant de soutien que par le passé.
Selon cette thèse, l’économie américaine concurrence désormais plus les produits des marchés émergents qu’elle ne les consomme. Les secteurs qui se comportent bien actuellement dans l’industrie manufacturière américaine ont tendance à être des secteurs traditionnellement exportateurs des marchés émergents. Il se pourrait ainsi qu’un raffermissement de l’économie américaine soit plus un frein qu’un moteur pour ces derniers.
Sur le front des valorisations, une étude suggère que celles-ci intègrent un grand nombre de mauvaises nouvelles. Nos indicateurs des marchés surachetés/survendus révèlent que les marchés émergents sont très survendus par rapport à leurs homologues développés, les données relatives aux flux de capitaux signalant que cette catégorie d’actifs fait l’objet de désinvestissements depuis 12 semaines consécutives.
Valorisations au plus bas
Toutefois, les estimations d’un analyste sell-side indiquent que leurs valorisations sont désormais proches ce qu’elles étaient au moment de la crise asiatique de 1997. Le PER relatif basé sur le bénéfice corrigé du cycle indique une sous-évaluation de 20 % des marchés émergents par rapport aux marchés développés.
Ce chiffre marque la deuxième plus forte sous-évaluation des PER et peut être rapproché de celui de la période 1997/98 – pendant laquelle les marchés émergents étaient sous-évalués de 30%. Un autre indicateur compare la relation entre la rentabilité des fonds propres (d’actuellement 13 % environ) et le multiple de capitalisation de la valeur comptable (de 1,4).
La relation historique entre ces chiffres permet de penser qu’un ratio cours/valeur comptable de 1,4 devrait correspondre à une rentabilité des fonds propres d’environ 7-8%, c’est-à-dire près de la moitié de ses niveaux actuels.
Cependant, selon nos propres données calculées en interne, les niveaux de valorisation des marchés émergents sont plus proches d’un point neutre par rapport aux marchés développés d’actions.
Les raisons d'un investissement
De quoi avons-nous besoin pour que le bien-fondé d’un investissement sur les marchés émergents d’actions devienne plus attractif ? Trois raisons évidentes s’imposent d’elles-mêmes.
Premièrement, il faudrait que les valorisations baissent pour passer de simplement attirantes à réellement attractives. On a souvent dit que les marchés émergents d’actions surperformaient lorsque les multiples de capitalisation de la valeur comptable tombaient au-dessous de 1,5.
Sauf pendant la période 1997/98, cette théorie s’est toujours vérifiée, ainsi, un recul à un multiple inférieur à 1 pourrait être la marque de la sous-valorisation extrême nécessaire pour revenir sur ces marchés.
Deuxièmement, et c’est lié, il faudrait une dernière vague de ventes massives et purificatrices. Nous avons la nette impression que certains gérants sont toujours pleinement investis sur les marchés émergents et qu’ils sont «secoués mais pas remués» (pour reprendre la célèbre réplique de James Bond).
Flux de nouvelles
Un flux crescendo de mauvaises nouvelles pourrait entraîner des ventes de désespoir susceptibles de marquer le point bas du cycle.
Troisièmement, tout accès de faiblesse économique des États-Unis ou du Japon pourrait paradoxalement déclencher une amélioration de la performance relative.
Les marchés émergents ont traditionnellement été considérés comme sensibles aux liquidités mondiales pendant les premières phrases d’un cycle et cette catégorie d’actifs a profité dès le début de la mise en place de la politique d’assouplissement quantitatif en 2009/10.
Mais une réduction de la surabondance des liquidités est aussi susceptible d’entraîner des perturbations, en particulier pour les pays dont les déficits extérieurs sont importants et qui sont tributaires des capitaux étrangers.
Cette fois-ci, une croissance mondiale forte risque de perturber certains marchés, alors qu’une croissance décevante dans le monde développé pourrait dynamiser les marchés émergents en raison de la baisse probable des rendements obligataires américains.
Opinion neutre
La question des marchés émergents demeure délicate. À court terme, un rebond est possible – des marchés survendus pouvant enregistrer un mini rebond comme cela s’est brièvement produit en septembre 2013. Mais le bien-fondé à moyen terme d’un renforcement de l’allocation aux marchés émergents reste à prouver au vu des hypothèses fondamentales.
Nos portefeuilles multi-actifs conservent une opinion neutre à l’égard des marchés émergents d’actions (et sous-pondèrent les obligations de ces marchés).