Pour les marchés, il y aura un « avant » et un « après » le 5 juin, date de la prochaine réunion du comité de politique monétaire de la Banque centrale européenne. Les marchés attendent beaucoup de cette réunion, qui devrait confirmer un certain nombre d’annonces – principalement une baisse du taux directeur à 0,1% et un taux de dépôt négatif.
Le marché attend aussi des précisions sur les mécanismes que la BCE utilisera pour relancer le cycle du crédit bancaire en Europe. Ce qui constitue le défi et l’objectif central pour les investisseurs fait l’objet de nombreuses spéculations, même si les dirigeants de la BCE ont multiplié les messages et tenté de canaliser les anticipations.
LTRO, ABS…
Parmi les options les plus évoquées figurent un « LTRO conditionnel » (une facilité de financement à long terme très bon marché pour les banques) ainsi qu’un programme incitant la relance du marché des ABS (titres adossés à des actifs), avec une cible prioritaire – les PME européennes – et un objectif central – faciliter leur accès au crédit bancaire.
Cette option a été clairement évoquée par Mario Draghi dans son discours du 26 mai dernier.
Pour Mark Wall et Gilles Moec, économistes chez Deutsche Bank, l’impact d’un nouveau LTRO pourrait être important, à deux titres : « Primo, cette politique conduit à l’expansion du bilan de la BCE et pourrait en conséquence faire baisser la devise et créer de l’inflation importée. Deuxio, elle pourrait stimuler le crédit et par conséquent la croissance et le cycle de l’inflation domestique. »
Le fait que la BCE considère des outils qui fassent indirectement baisser l’euro ne devrait pas surprendre, car son président s’est ouvertement inquiété du niveau de la monnaie unique, ce qui a constitué une première.
Pas de « QE »
Si les investisseurs anticipent l’annonce de mesures « semi-conventionnelles », le marché ne semble en revanche pas attendre de « Quantitative Easing » (« QE » ou assouplissement quantitatif) ou un programme de rachat d’obligations étatiques, sauf si la situation économique de la zone venait à se détériorer plus fortement que prévu par la BCE.
En outre, le calendrier d’une telle annonce devra être bien planifié par la BCE, puisque toute mesure non-conventionnelle ne peut théoriquement intervenir avant que les résultats de la revue de la qualité des actifs (ou « AQR ») des banques ne soient publiés.
La BCE dans un « corner »
Quoi qu’il en soit, la BCE, de par ses pré-annonces, se trouve dans une situation délicate. Jusqu’ici, elle s’est surtout contentée de faire des déclarations d’intention, laissant au marché le soin d’imaginer quelle forme pourrait prendre toute action.
Or, le temps de l’action est arrivé et une grande partie de ce que la banque centrale annoncera jeudi prochain est en grande partie intégré par le marché, selon Jan Loeys, responsable de l’allocation d’actifs chez J.P.Morgan.
Un rallye boursier ne semble envisageable qu’en cas de surprise très positive, bref de l’annonce de mesures non-conventionnelles.
« Si la BCE devait fournir une cargaison de liquidités le 5 juin, nous n’avons pas de doute que les marchés financiers pourraient connaître un rallye, écrit Michala Marcussen, chef économiste chez Société Générale dans une note. A défaut d’un financement monétaire de mesures de soutien budgétaire, qui est interdit par le Traité, nous pensons que l’impact sur l’économie réelle a des chances d’être très modeste. »
Pour aller plus loin
Les économistes d'Exane BNP Paribas ont publié ce tableau synthétique plutôt bien fait sur les anticipations du marché quant aux outils que la BCE pourrait employer... (cliquer sur le graphique pour l'agrandir)
Source: Exane BNP Paribas
Et cet autre graphique publié le 23 mai par les économistes de Bank of America Merrill Lynch sur les options de la BCE (cliquer sur le graphique pour l'agrandir).
Source: Bank of America Merrill Lynch