Mario Draghi a donc décidé d’agir. La Banque centrale européenne a annoncé des mesures en ligne avec les attentes du marché : une baisse de son taux directeur à 0,15% (contre 0,25%), du taux de dépôt à -0,10% (une première mondiale) et le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal est baissé de 0,75% à 0,40%.
La banque centrale a aussi affirmé qu’elle prendra des mesures visant à « améliorer les mécanismes de transmission de la politique monétaire ».
Pour les économistes de Barclays, « nous pensons que cela pourrait prendre la forme d’un LTRO ciblé ou d’autres mesures visant à réduire les contraintes sur la distribution de crédit. »
Mesures ciblées
Dans son discours, Mario Draghi évoque en fait un paquet de mesures, plutôt bien anticipé par les investisseurs, visant à lutter contre le risque de déflation.
L'inflation, qui était de 0,5% le mois dernier, devrait rester basse cette année. La BCE anticipe une inflation de 0,7% en 2014, et a revu en baisse sa prévision de croissance à 1%.
Les mesures complémentaires annoncées par l'institution monétaire pour lutter contre ce risque de déflation incluent:
- une facilité de financement à long terme des banques ("LTRO") ciblé qui sera d'un montant de 400 milliards d'euros sur quatre ans dans un premier temps ;
- un "travail préparatoire" pour l’achat d’ABS, qui doit améliorer la transmission de la politique monétaire à l’économie, et notamment favoriser le développement du crédit aux entreprises ;
- la suspension des mesures de stérilisation du programme d’achat d’actifs ("SMP") ;
- la prolongation des mesures de refinancement à taux fixe ("full allotment").
L’objectif de ces mesures est d’ancrer fortement les anticipations d’inflation vers l’objectif de 2% (alors que l’inflation « core » est actuellement de 0,7%).
Frapper fort
« Mario Draghi frappe fort aujourd’hui et annonce de mesures encore inimaginables il y a quelques mois, le 'troisième temps' si l’on peut dire d’une stratégie initiée en juillet 2012 : menaces en règle en juillet 2012, émancipation du mandat initial en juillet 2013, et, à présent, passage à l’action en juin 2014 avec un 'package' selon l’expression de la BCE de cinq mesures ciblées », observe de son côté Hughes Le Maire chez Diamant Bleu Gestion.
Pour les économistes de Morgan Stanley, la fin de la stérilisation du SMP libère 160 milliards d'euros de liquidités tandis que les autres mesures, dont le LTRO ciblé, constituent une "ligne de crédit majeure pour les banques". Ces dernières pourraient ainsi emprunter jusqu'à 7% de leurs prêts aux entreprises pendant 4 ans à un taux de refinancement plus spread de 10 points de base.
« Comme nous l'attendions, la BCE n'est pas encore prête à redéployer son bilan. Si nécessaire, elle pourrait préférer de réduire ses taux encore un peu, plutôt que se jeter directement dans du 'QE' », ajoute Elga Bartsch, économiste chez Morgan Stanley.
Dans son discours, Mario Draghi évoque une « reprise graduelle » et une croissance qui sera modérée au deuxième trimestre. Il évoque également des conditions de financement qui s’améliorent, mais un crédit aux entreprises toujours en repli et souligne un taux de chômage toujours élevé, des capacités de production non utilisées encore importantes, ainsi que l’ajustement des bilans publics et privés qui pèse toujours sur la croissance économique.
Prévisions revues à la baisse pour 2014
La BCE attend 1% de croissance en 2014, 1,7% en 2015 et 1,8% en 2016, ce qui signifie que la BCE a revu en baisse ses prévisions pour 2014 et en hausse celles pour 2015.
Elle prévoit que l’inflation reste encore quelques mois très basse, avant de commencer à remonter en 2015 et 2016, ce qui justifie les mesures annoncées aujourd’hui. La BCE prévoit une inflation « headline » à 0,7% en 2014, 1,1% en 2015 et 1,4% en 2016.
L'avis de Bernanke
Ben Bernanke, qui participait jeudi à une conférence à Paris, a estimé que « les mesures de la BCE pour accroître l’inflation seront bénéfiques aux économies européennes. »
« Aux Etats-Unis, la déflation a été un problème. Elle a été résolue par l’assouplissement quantitatif (« QE »), et les marchés semblent confiants que l’inflation ne s’emballera pas », a-t-il ajouté.
Pour aller plus loin : les communiqués de la BCE
Le premier communiqué de presse
Les mesures de refinancement à taux fixe
L'annonce d'un taux de dépôt négatif