BNP Paribas : une question en suspens

L’affaire d’une possible sanction record contre la première banque française remet une nouvelle fois en question le modèle de banque universelle, pourtant tant prisé en France.

Jocelyn Jovène 09.06.2014
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Le sujet n’a été peu voire pas évoqué. Mais « l’affaire BNP Paribas », menacée d’une amende record aux Etats-Unis pour n’avoir pas respecté l’embargo américain sur les transactions en dollars avec l’Iran, Cuba ou le Soudan, et qui pèsera sur sa solidité financière, soulève une nouvelle fois la question de la pertinence du modèle de banque universelle.

Ce modèle, tant prisé des banquiers et des autorités de tutelle français, défend l’idée qu’il est impossible de séparer banque de détail et banque de financement et d’investissement au motif qu’une telle séparation conduirait à une perte de compétitivité face aux autres banques européennes et internationales.

Or, au moment où beaucoup est tenté en Europe pour relancer la distribution de crédit aux entreprises et faire repartir la consommation et l’investissement, avoir une banque de premier plan affaiblie pour les mauvais agissements de son activité de BFI est du plus mauvais effet.

Car cela risque tout simplement d’impacter la capacité de la banque à jouer son rôle de « courroie » de transmission de la politique monétaire de la BCE à l’économie réelle – un rôle plutôt dévolu à son activité de banque de détail qu’à la BFI, qui sert plutôt des « grands comptes ».

Or depuis le début de la crise financière, c’est bien l’activité de BFI qui pèse sur le plus fortement et qui génère le plus de volatilité sur la rentabilité des banques françaises. Mais compte tenu de la rentabilité de cette activité (lorsque la conjoncture économique est favorable), difficile de s’en séparer.

Les grandes banques françaises ont préféré sacrifier des filiales à l’étranger plutôt que de toucher à cette activité, ou alors n’ont accepté de le faire qu’à la marge. De même, leur lobbying a été d’une particulière intensité lorsque le Parlement a tenté, en vain, d’encadrer de manière plus stricte cette activité.

Le problème est qu’il est particulièrement difficile d’imaginer quand les beaux jours reviendront. Et il est tout aussi difficile de savoir si les banques françaises, mais aussi européennes, seront en mesure de retrouver les niveaux de rentabilité dont elles jouissaient avant la crise financière (graphiques).

L’anticipation actuelle des marchés est que ce ne sera pas le cas avant longtemps. Certes, la réduction du risque systémique a permis au secteur de rebondir en Bourse, mais pas de surperformer le reste du marché actions.

« L’affaire BNP Paribas » tombe d’autant plus mal que se profile d’ici la fin de l’année la revue de la qualité des actifs par la BCE – sensée contraindre les banques les moins bien capitalisées à renforcer leurs fonds propres – ce que beaucoup, y compris la BNP, ont fait depuis 2013.

La rentabilité des banques risque une fois de plus de tarder à remonter – y compris celle de BNP Paribas, qui avait pourtant eu un comportement habile pendant la crise en rachetant Fortis. Mais cela n’a à l’évidence pas suffi. Et la banque, qui se prévalait d’une grande capacité à maîtriser son risque et affichait une certaine prudence dans l’utilisation de son capital, risque d’avoir le plus grand mal à rassurer ses actionnaires quant à sa capacité à redresser rapidement ses résultats.

Il ne serait du coup pas surprenant que certains soulèvent de nouveau la question de la pertinence de son modèle économique.

 

 

 

 

 

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Incertitude sur le retour à des niveaux de rentabilité d’avant crise

 

 

 

Au plus fort de la crise financière après la faillite Lehman Brothers, la seule bouée de sauvetage que BNP Paribas a intelligemment rachetée s’appelait Fortis, moins pour ses activités de BFI que pour ses dépôts et la stabilité qu’ils pouvaient apporter au bilan de la banque française.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.