Paroles d’experts: les obligations européennes

Les obligations pourraient rester chères, si les taux d'intérêt restent durablement bas.

Mara Dobrescu 11.09.2014
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Source: Morningstar.

Les obligations d’Etat ont tiré profit de la baisse prononcée des taux d’intérêt depuis début 2014.

Certaines catégories d'obligations, comme le crédit, pourraient toutefois rester chèrement valorisés si les taux devaient rester durablement bas, ont estimé mardi 9 septembre plusieurs gérants obligataires au cours d'une table-ronde organisée lors de la conférence annuelle de Morningstar à Paris. 

La table ronde dédiée aux obligations a rassemblé trois experts des produits de taux : Michel Antonas, responsable de la gestion Taux Européens chez HSBC Global AM ; Patrick Barbe, directeur de la gestion obligataire Europe chez BNP Paribas IP et Raphael Robelin, gérant obligataire chez BlueBay Asset Management.

Inflation et taux d’intérêt en baisse

Interrogé sur la très bonne performance des obligations d’Etat depuis le début 2014, peu anticipée par les marchés, Raphael Robelin a rappelé que la plupart des vues consensuelles ont été prises à rebours début 2014. Cette baisse des taux européens est à remettre selon lui dans le contexte d’une divergence des politiques monétaires aux Etats-Unis (où l’on constate un durcissement progressif) et en Europe (où la Banque Centrale Européenne cherche à stimuler l’économie en maintenant une ligne toujours plus accommodante). Si la politique actuelle de la BCE semble justifiée par les chiffres de croissance molle en Europe, la question cruciale est de savoir si ce découplage des politiques monétaires au niveau mondial peut se maintenir sur longue période.

Selon Patrick Barbe, la principale surprise de cette année a été la baisse de l’inflation. Il a ainsi rappelé qu’au cours des deux dernières décennies, le principal moteur de l’inflation européenne a été la hausse des prix des services et du secteur public, notamment  en Europe du Sud, où elle était soutenue par l’endettement des Etats et des ménages. Aujourd’hui, la chute de l’inflation reflète simplement un ajustement à la baisse du prix des services dans ces pays. Néanmoins une période prolongée de baisse de tous les prix (notamment ceux des biens de consommation) est à exclure selon lui.

Michel Antonas a quant à lui nuancé l’utilisation du terme « déflation » pour décrire la situation actuelle. La déflation est une baisse des prix sur une durée de plusieurs trimestres, alors que nous assistons aujourd’hui à un ralentissement de la hausse des prix, mais en aucun cas à une baisse généralisée. Antonas estime même  qu’il existe quelques signaux de « reflation », c’est-à-dire de retour à une inflation plus élevée, qui créent des opportunités pour les gérants obligataires. Les obligations indexées sur inflation semblent aujourd’hui excessivement décotées, ce qui justifie selon lui d’en ajouter, en petites proportions, à son portefeuille obligataire.

Pays périphériques

Sur la dette des pays périphériques du Sud de l’Europe, Raphael Robelin admet qu’il existe des facteurs de stabilisation. Ces titres d’Etat sont détenus de plus en plus par les investisseurs locaux dans ces pays, ce qui limite le risque de flux de sortie massifs en période « risk-off ».  Le soutien indéfectible de la BCE à ces pays a également remporté la confiance des marchés. Il nuance néanmoins : l’élection éventuelle de partis anti-européens à la tête de ces pays pourrait déclencher un retour de la volatilité.

Patrick Barbe est revenu quant à lui sur l’expérience de la Grèce, qui a récemment fait un retour remarqué sur les marchés obligataires avec sa première émission depuis la quasi-faillite de 2010-2011. Il a rappelé que le plan de sauvetage de la Grèce a été efficace sur la réduction du déficit, et sur l’assainissement du secteur bancaire, mais que les réformes fondamentales, notamment au niveau de l’administration, restent à faire.

Obligations privées et secteur financier

Sur le crédit « investment grade », Raphael Robelin a constaté que la prudence des entreprises européennes continue à se traduire par des bilans riches en liquidités et par des taux de défaut faibles. Même si les valorisations sont aujourd’hui élevées sur ce segment de marché, elles pourraient le rester selon lui, en cas de taux d’intérêt durablement bas, comme cela a été le cas au Japon. Le secteur bancaire bénéficie à ses yeux de perspectives plutôt favorables compte tenu de son assainissement depuis la crise. Néanmoins, la sélectivité reste de mise. Même constat pour Patrick Barbe, qui a rappelé que les obligations bancaires sont devenues très cycliques, en particulier sur certaines structures subordonnées qui peuvent être facilement converties en actions. Pour conserver une exposition au secteur, il préfère se concentrer sur les banques de détail, mais évite les banques d’investissement, jugées trop risquées.

Michel Antonas a également rappelé que dans plusieurs pays, la crise de la dette souveraine a été précédée voire déclenchée par une crise bancaire. C’est notamment le cas de l’Irlande, de Chypre, et actuellement de la Slovénie. Compte tenu des nouvelles règlementations qui s’appliquent aux banques, ces risques de contagion sont aujourd’hui plus limités que par le passé, mais la santé du secteur bancaire reste une variable à suivre, y compris pour les gérants de fonds d’obligations souveraines.

Enfin, la prolifération actuelle de nouveaux instruments de dette suscite différents échos chez les gérants obligataires. Selon Raphael Robelin, certains de ces produits, comme les CoCos (« contingent convertibles », des obligations qui se convertissent automatiquement en actions lorsque certaines conditions sont remplies) sont potentiellement très attractifs. Patrick Barbe est quant à lui moins séduit par ces nouveaux instruments. Il concède que ces produits sont relativement sûrs aujourd’hui, mais leur niveau de risque pourrait rapidement augmenter en cas de dégradation de la conjoncture.

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A propos de l'auteur

Mara Dobrescu

Mara Dobrescu  est analyste Fonds chez Morningstar France