François Rochette, responsable de la gestion allocation d'actifs de Mandarine Gestion a répondu aux questions de Morningstar sur ses choix d'allocation et sur l'évolution récente des marchés financiers.
Comment expliquez-vous la hausse conjointe des actions et obligations ?
La hausse des marchés obligataires en zone euro s’explique à la fois par la baisse des prévisions de croissance en zone euro, au regard de statistiques décevantes à partir du deuxième trimestre et des anticipations d’inflation, qui sont plus basses que ce que le marché anticipait et très en-deçà de la zone de confort de la BCE.
Aux Etats-Unis, nous pensons que les marchés de taux sont complaisants : ils sont en retard par rapport aux anticipations de la Fed. Les fondamentaux de l’économie américaine s’améliorent, l’investissement redémarre. Il y a un vrai risque que la Fed soit elle-même en retard sur l’économie.
Il pourrait donc y avoir un réajustement des anticipations, ce qui se traduit par une certaine nervosité des investisseurs à l’approche du prochain FOMC. Si ce réajustement se provoque, cela induira des mouvements de flux importants qui impacteront plus certaines régions du monde que d’autres.
Comment expliquez-vous la surperformance des marchés émergents depuis le début de l’année ?
Nous sommes surpris par le comportement de certains pays. La Chine qui inquiétait beaucoup d’investisseurs en début d’année avec les craintes de « hard landing » surprend de manière positive. Les dirigeants chinois ont pris un certain nombre de mesures ciblées pour dégonfler la bulle immobilière et contenir les risques du « shadow banking ». La bonne performance de la Bourse chinoise est donc logique.
En Inde, le rebond des marchés s’explique par l’arrivée d’un nouveau gouvernement réformateur. Les ivnestisseurs attendent beaucoup et il faudra que les réformes promises soient mises en œuvre.
A l’opposé, l’envolée de la Bourse brésilienne nous inquiète beaucoup. Des flux massifs se sont dirigés vers le Brésil dans l’espoir d’une alternance lors des prochaines élections avec l’espoir d’une défaite du parti de Dilma Roussef.
Or les fondamentaux du pays se sont détériorés en dépit de la Coupe du monde de football, puisque le pays est en récession, avec une inflation qu’il a du mal à maîtriser. Nous pensons que les investisseurs devraient sortir de ce pays.
En Amérique Latine, nous préférons un pays comme le Mexique, qui a mis en œuvre un certain nombre de réforme et qui profitera de la reprise de l’économie américaine.
Quelle allocation adoptez-vous actuellement ?
Sur les taux, nous sommes vendeurs du marché américain car il est en retard sur la politique de Fed. Nous sommes neutres sur la zone euro, car la BCE est encore l’arme au pied.
Nous sommes exposés à la dette émergente en dollars, car niveau de spread rémunère bien le risque pris. Nous avons aussi du haut rendement en zone euro même si nous nous sommes allégés.
Dans l’univers actions, nous privilégions le Japon car nous pensons qu’il y aura une nouvelle intervention de la Banque du Japon et une intervention du gouvernement pour soutenir l’activité économique et relancer l’inflation.
Les actions de la zone euro nous semblent encore intéressantes, car elles ont été très attaquées depuis l’éclatement du conflit ukrainien. La baisse de l’euro va selon nous conduire à une stabilisation et peut-être une remontée des prévisions de résultats des entreprises européennes.
Nous avons aussi une vue positive sur le dollar qui va profiter de la divergence des politiques monétaires entre les Etats-Unis et la zone euro.
Quels sont pour vous les principaux facteurs de risque aujourd’hui ? Y a-t-il une trop grande complaisance des marchés actions vis-à-vis de l’action des banques centrales ?
Nous ne pensons pas que les marchés actions soient particulièrement complaisants. En revanche, c’est plus le cas des marchés d’obligations et s’il y a hausse des taux plus rapide que prévu par le marché, cela risque de provoquer des mouvements de flux massifs qui pénaliseront les marchés les moins liquides ou les classes d’actifs qui ont le plus profité des mouvements de flux récents.
Un signal avant-coureur a déjà été envoyé par la Fed. Au début de l’été, lorsque Janet Yellen a évoqué un risque de bulle sur le haut rendement américain et la biotech, on a vu une sortie massive de flux sur la classe d’actifs et un rebond de 85 points de base du spread sur le high yield US, alors qu’il n’y avait pas de nouvelle fondamentale. On peut presque parler de mini krach et cela illustre le type de risque qui existe selon nous sur les marchés.
Je pense que l’on a le même type de risque sur certaines obligations périphériques en Europe ou certains marchés émergents. A l’inverse, les marchés actions ne me semblent pas particulièrement complaisants, néanmoins la volatilité va augmenter.
Quel positionnement avez-vous adopté avant le référendum écossais ?
Nous avons couvert en grande partie nos positions en livre sterling et avons adopté depuis quelques semaines une position vendeuse sur le Footsie qui s’est révélée pertinente.