Source: Morningstar.
La table ronde dédiée aux actions européennes dans le cadre de la Conférence Morningstar du 9 septembre 2014 a rassemblé trois « stock-pickers » chevronnés : Gilles Guibout, gérant chez AXA Investment Managers ; Guy Lerminiaux, Directeur des Investissements, Petercam Asset Management et Gilles Sion, Responsable de la Gestion Actions, Montpensier Finance
Partant du constat que la performance des actions européennes depuis le début de l’année 2014 s’est accompagnée d’une expansion des multiples tels que le P/E, les gérants ont reconnu une certaine faiblesse de la dynamique bénéficiaire en Europe.
Selon Gilles Guibout, celle-ci s’explique entre autres par un effet de change négatif ayant entraîné une révision à la baisse des bénéfices par actions. Cet environnement est cependant source d’opportunités à ses yeux, notamment pour les exportateurs fortement exposés à l’international (Bureau Veritas, Luxottica…).
Guy Lerminiaux a reconnu que les sociétés de qualité ont plutôt eu tendance à céder du terrain sur la 1e partie de l’année, mais il estime que la baisse de l’euro est une bonne nouvelle et garde espoir dans une reprise cyclique en Europe. Même constat pour Gilles Sion qui reste lui aussi fortement positionné sur les entreprises exportatrices, particulièrement dans l’aéronautique (Airbus, Zodiac) ainsi que sur certaines valeurs de la consommation qui ont jusqu’ici souffert (SabMiller, Unilever…).
Prudence sur le secteur des services aux collectivités
Interrogés sur les perspectives du secteur des « utilities » (performance de 18,7% de janvier à fin août 2014, contre 6,6% pour l’ensemble du marché européen), les trois gérants ont fait preuve d’un certain scepticisme.
Gilles Sion a expliqué que la règlementation européenne des marchés énergétiques, tel que le principe « pollueur-payeur » et le marché des crédits carbone, aboutit à des effets pervers, encourageant au contraire l’utilisation du charbon au détriment d’autres sources d’énergie.
Guy Lerminiaux estime à son tour que le modèle économique du secteur des « utilities » semble durablement enrayé, ce qui laisse peu de place au maintien du niveau actuel des dividendes.
Gilles Guibout a avancé quant à lui que ce secteur pourrait redevenir intéressant à certaines conditions, comme une remontée significative du prix de la tonne de CO2 ou l’arrêt des subventions aux énergies alternatives, mais qu’il est peu probable que celles-ci soient réunies au cours des 3 prochaines années.
Les banques : « les nouvelles utilities » ?
Gilles Guibout a rappellé que le secteur bancaire, très hétérogène, recèle de modèles économiques très différents. Les banques de détail, selon lui, offrent aujourd’hui un degré de prévisibilité de leurs bénéfices, mais aussi d’encadrement règlementaire, similaire aux « utilities ». Il a ainsi en portefeuille certains titres tels que Banco Popolare di Milano, exposé à la clientèle de Lombardie, l’une des régions les plus riches d’Europe. Il détient également BNP Paribas, mais est un peu moins à l’aise avec son modèle de banque universelle, qui inclut une activité d’investissement.
Guy Lerminiaux investit lui aussi sur BNP Paribas, qu’il estime suffisamment solide, mais est globalement sous-exposé au secteur financier. A ses yeux, le modèle des banques d’investissement est révolu, à quelques exceptions près, comme UBS qui a réussi sa réorganisation en se concentrant sur quelques activités spécifiques. La performance boursière des titres du secteur viendra selon lui de la soutenabilité de leurs dividendes, et sur ce plan, les banques et « asset managers » britanniques restent les plus convaincants.
Gilles Sion est quant à lui très négatif sur le secteur de l’assurance-vie, mais pense qu’il existe de la valeur sur d’autres domaines du secteur de l’assurance. Il a ainsi participé à l’introduction en bourse de Coface, l’assureur-crédit.
Le stock-picking ne peut pas encore s’affranchir des logiques pays
Guy Lerminiaux a rappelé que le débat entre « stock-picking » et logiques « top down » n’est pas nouveau. Dans les années 1990, l’analyse financière était avant tout fondée sur une logique macroéconomique, axée sur les pays.
Ensuite, une logique sectorielle a pris le dessus, et la plupart des équipes de recherche ont pris naturellement le parti d’une analyse par secteurs. Enfin, depuis la crise de la dette en zone euro, nous assistons à un retour du « risque pays ». A ses yeux, l’analyse macroéconomique peut permettre aux sélectionneurs de titres de dénicher de nouvelles opportunités, par exemple des valeurs injustement décotées à court terme.
Gilles Guibout concède que le contexte national a un fort impact sur certains secteurs règlementés tels que les « utilities », les financières et les télécoms. Il nuance néanmoins : bon nombre d’entreprises européennes sont indirectement exposées à l’international, ce qui leur permet de s’émanciper, dans une certaine mesure, des logiques domestiques.
Des « small » et « mid-caps » encore source d’opportunités
Pour les trois gérants, les petites et moyennes capitalisations restent un univers attractif, à condition d’être vigilant sur les valorisations. Ainsi, Gilles Sion a mentionné que cette classe d’actifs a bénéficié d’un certain engouement en France avec le lancement des fonds PEA-PME et avec les multiples introductions en bourse en début d’année.
Dans la plupart des cas, les modèles économiques de ces acteurs sont plus simples à appréhender que ceux des grandes capitalisations, et ils permettent de s’exposer à des thématiques spécifiques. Gilles Guibout a néanmoins précisé que seules quelques-unes de ces valeurs ont réussi leur introduction en bourse : c’est le cas par exemple d’Ontex (dans les produits d’hygiène) et Fineco (la banque en ligne italienne).
De manière encore plus tranchée, Guy Lerminiaux estime que malgré certaines sociétés de qualité, les valorisations de ces récentes introductions en bourse sont encore trop élevées.