Les vues de Morningstar en résumé
- Le marché continue d’être pleinement valorisé, la médiane des titres couverts par la recherche Morningstar affichant une prime de 3% par rapport à notre estimation de juste valeur.
- Le P/E de Shiller de l’indice S&P 500 atteint près de 26,5 – soit au-dessus du 70ème percentile des 25 dernières années – un niveau qui précède des rendements décevants et un risque significatif de perte en capital.
- Malgré le rebond de septembre, le rendement des bons du Trésor est encore très en-deçà du début de l’année. Les meilleures performances boursières depuis le début de l’année se situent dans les secteurs de la santé, des services collectifs, de l’immobilier, laissant très peu d’opportunités dans ces domaines d’activité.
- Les valeurs à forte croissance sont de nouveau dans les petits papiers des investisseurs après leur correction de début d’année. Nous pensons néanmoins que le secteur de la technologie est le plus surévalué.
- Quelques rares sociétés de qualité à prix raisonnable sont disponibles, mais les investisseurs doivent être très sélectifs dans cet environnement. Nous décourageons les investisseurs de faire un compromis trop grand sur la qualité pour trouver de bonnes affaires.
Les actions sont pleinement valorisées, mais font mieux que les obligations et le cash sur longue période
Les actions peuvent rapporter de l’argent de trois manières : 1) les dividendes versés ; 2) la variation du cours de Bourse par rapport à la valeur intrinsèque ; 3) l’appréciation de la valeur intrinsèque.
Les perspectives de rendement des deux premiers facteurs ne sont guère encourageantes. Le rendement du S&P 500 se situe autour de 2% - typique de la décennie écoulée, mais très en-deçà de la moyenne historique.
Les titres suivis par les analystes Morningstar se traitent avec une prime de 3% par rapport à leur juste valeur estimée. Au moment de la rédaction de ce rapport, seuls 10 titres couverts par Morningstar sont notés 5 étoiles, mais aucun n’a d’avantage concurrentiel étendu (« wide moat ») et seuls quatre ont un avantage concurrentiel étroit (« narrow moat »). Pour mémoire, au pire de la crise financière de 2008, 850 titres suivis par nos analystes avaient une note 5 étoiles.
Cette analyse est confortée par le P/E de Shiller, qui se situe à 26,5x ; ce ratio a été inférieur à ce niveau 70% du temps au cours des 25 dernières années et 92% du temps au cours du siècle écoulé. Il n’a été au-dessus de ce niveau que par trois occasions dans l’histoire : avant le krach boursier de 1929, avant l’éclatement de la bulle TMT de 2000-2002 et avant la crise financière de 2008-2009 (voir tableau).
Source: Robert Shiller, Morningstar
Historiquement, un P/E de Shiller au-dessus de 25x est généralement associé à des perspectives de rendement décevantes au cours des 5 années qui suivent, ainsi qu’un risque élevé de perte en capital.
Cela ne signifie toutefois pas que le marché est condamné à connaître prochainement un krach boursier, ou même que les actions ne sont pas une classe d’actifs digne d’intérêt.
Un marché légèrement surévalué peut continuer à afficher des performances solides. Par exemple, le P/E de Shiller était à un niveau comparable en 1996 et en 2003. Or ces années ont marqué le début de phases de hausse souvent spectaculaires, avant la formation de bulles sur les marchés d’actions. Ces bulles ont mis un certain temps à se former avant d’éclater.
Ensuite, la valorisation normale des actions peut fluctuer de manière significative dans le temps, et il est peu probable que les performances passées constituent un guide pour les performances futures des actions. Ainsi pendant le siècle qui a précédé 1988, la médiane du P/E de Shiller a été de 14,1x. Pendant les 25 ans qui ont suivi, cette médiane était de 23,5x.
Tout investisseur qui attendrait que le P/E de Shiller revienne à sa médiane historique se trouverait non investi en actions pendant les 25 prochaines années. Les taux d’intérêt sont inférieurs à leur moyenne historique. Si cette situation devait perdurer, elle pourrait justifier des multiples de valorisation durablement élevés pour les actions.
Enfin, il ne faut pas négliger la troisième source de performance pour les actions : l’appréciation de la valeur intrinsèque. La juste valeur est une cible mouvante – les entreprises qui accroissent leurs résultats, augmentent leurs dividendes, dégagent des flux de trésorerie, augmentent in fine leur valeur intrinsèque.
L’augmentation des profits devrait également contribuer à abaisser le P/E de Shiller. En d’autres termes, ce n’est qu’une question de temps avant que la valeur intrinsèque rattrape, voire dépasse, les cours actuels. Sur longue période, les actions ont les plus grandes chances de battre les obligations et le cash, en particulier au regard des niveaux actuels des taux d’intérêt.
Toutefois, les investisseurs ne devraient pas s’emballer quant au niveau de rendement à attendre des actions. Les performances phénoménales ces cinq dernières années ont été alimentées par le rebond des profits et l’expansion des multiples à partir de niveaux déprimés. De tels rendements ne sont pas durables à partir des niveaux actuels de valorisation ; un rendement à un chiffre est l’hypothèse la plus réaliste sur le long terme, avec un risque de volatilité élevé.
Moins d’opportunités pour investir
Le nombre d’opportunités d’investissement s’est réduit comme peau de chagrin. Nous déconseillons aux investisseurs de sacrifier la qualité des titres qu’ils veulent acheter pour trouver de bonnes affaires.
Les valeurs à croissance rapide qui ont fait un spectaculaire « comeback » ces derniers mois – les Netflix, Tesla Motors, Facebook ou Twitter - devraient provoquer de la méfiance de la part des investisseurs, car elles se traitent désormais à des niveaux excessifs par rapport à notre estimation de leur juste valeur.
D’autres valeurs affichant de fortes croissances se traitent sur des niveaux de valorisation plus raisonnables – c’est le cas de sociétés comme Priceline, Cognizant, American Tower et MasterCard.
Le secteur de l’énergie a également été délaissé par les investisseurs, après l’affaiblissement du cours du pétrole. Dans cet univers, il nous semble que certaines opportunités ont émergé : c’est le cas de Schlumberger ou de Core Laboratories dans les services pétroliers ou de Tullow Oil, Ultra Petroleum, ou BP dans les producteurs d’hydrocarbures.