Le franc suisse s’apprécie fortement face à l’euro, ce jeudi, après la décision surprise de la Banque Nationale Suisse (BNS) "d’abolir" le cours plancher de 1,20 francs par euro, une mesure que plusieurs observateurs jugent risquée et qui pourrait entamer la crédibilité de l’institution. La BNS a également abaissé de 50 points de base le taux d’intérêt appliqué aux avoirs en comptes de virement, à -0,75%.
Suite à cette annonce, le franc suisse prenait 17% face à l’euro en début d’après-midi à 0,98 franc suisse pour un euro, après avoir chuté de 30% peu après l’annonce. La Bourse suisse, représentée par l’indice SMI, plonge de 10%, tandis que l’indice Stoxx Europe 600 gagne près de 2%.
Le rendement de l’OAT à 10 ans, en baisse continue depuis plusieurs mois, s’est redressé de 3 points de base à 0,69%.
Dans un communiqué de presse, la BNS a rappelé que la décision de fixer un taux plancher était liée à « une période d’extrême surévaluation du franc et de très forte incertitude sur les marchés financiers. » L’institution considère en outre que si le franc reste cher, « sa surévaluation s’est dans l’ensemble atténuée. »
Cette nouvelle intervient une semaine avant une réunion clef de la Banque centrale européenne, qui devrait officialiser son intention de s’engager dans l’achat d’actifs, parmi lesquels des obligations souveraines de la zone euro, afin de lutter contre le risque de déflation dans lequel la zone est tombée en décembre dernier.
Comme le reste de la zone euro, la Suisse est confrontée à la menace déflationniste et une croissance économique moins dynamique. Mais la principale motivation de la BNS tient à la chute de l’euro, selon Société Générale. Ses experts rappellent que 45% des 495 milliards de francs suisses de réserves de changes détenues par la BNS sont libellés en euros.
L'expansion du bilan de la BNS, qui représente 85% du PIB suisse, est également cité comme une explication de la décision d'abolir son cours plancher avec l'euro.
Pour les stratégistes de Morgan Stanley, cette annonce traduirait l’anticipation d’une action de la BCE. « En retirant le cours plancher, la BNS ne serait plus contrainte d’acheter des euros, entraînant une certaine stabilité dans la taille de son bilan (…). Toutefois, cette forme de quasi-resserrement monétaire et d’affaiblissement additionnel de l’euro pourrait se traduire par de nouvelles forces désinflationnistes qui se libèreraient à travers l’économie mondiale », observent-ils. L’autre conséquence, selon Morgan Stanley, est le renforcement du dollar face aux devises émergentes.