Depuis 3 mois, les marchés européens sont en ébullition. L’indice Stoxx Europe a bondi de 12,4%. Le rendement du Bund à 10 ans a plongé de 40 points de base à 0,45% et l’euro a cédé 9,4% face au dollar.
L’explication est la détérioration des conditions économiques dans la zone euro et l’anticipation croissante d’une intervention plus massive de la Banque centrale européenne, à travers des mesures d’assouplissement quantitatif ou « Quantitative Easing » (QE).
En clair, l’achat en direct par la BCE d’obligations émises par les pays de la zone euro et par les entreprises. Le marché qui ne voyait le « QE » que comme une hypothèse distante et compliquée à mettre en œuvre à court terme, est persuadé depuis un mois que la BCE fera une annonce le 22 janvier, avec un programme d’achat d’actifs qui pourrait atteindre 500 à 600 milliards d’euros. Avec quelles conséquences sur les marchés financiers ?
Voici une petite synthèse des avis des courtiers sur les principales classes d’actifs.
Actions : un effet globalement positif
Pour la plupart des courtiers, les actions de la zone euro devraient être les principales bénéficiaires de l’annonce du « QE ». Le coût de financement devrait poursuivre sa glissade et inciter les entreprises à réinvestir. L’impact sur le retour de la confiance n’est pas non plus à négligé. L’action de la BCE est également positive pour les entreprises à travers la baisse de l’euro face au dollar, qui s’est enclenchée depuis l’été 2014, dès l’annonce d’un premier train de mesures.
Morgan Stanley calcule que le « QE » pourrait booster la performance des actions européennes de 8% environ dans les six mois à venir. JPMorgan, dans une note du 19 janvier, estime de son côté que ce sont les valeurs cycliques (consommation discrétionnaire, assurance, technologie) qui devraient profiter le plus du « QE », tandis que la consommation courante (« staples »), la santé, les télécommunications et les utilities pourraient sous-performer, si l’on se base sur l’expérience américaine.
Source: Factset, Morningstar.
Obligations d’Etat : la périphérie en tête
Les obligations des pays périphériques de la zone euro, et notamment l’Espagne, devraient être les principales bénéficiaires de l’annonce de la BCE, en particulier si la clef de répartition des achats est la contribution au capital de la BCE des pays membres de la zone euro. Parmi les autres bénéficiaires, les stratégistes de Morgan Stanley évoquent, dans une note datée du 16 janvier, les obligations néerlandaises et belges.
En cas de déception, le spread de certains pays souverains (France notamment) pourrait temporairement s’écarter du rendement du Bund.
« Si la BCE fait assez, nous pensons que les courbes de taux vont se pentifier et que les points d’équilibre vont s’écarter », notent les experts de Nomura dans une note en date du 16 janvier.
Source: Morningstar.
Crédit : tout n’est pas dans les cours
La classe d’actifs a déjà attiré beaucoup de capitaux récemment, conduisant à un repli des spreads de crédit en plus du simple effet de la baisse des taux. Pour Suki Mann, stratégiste chez UBS, l’annonce du « QE » européen alimentera vraisemblablement une nouvelle baisse des spreads de l’ordre de 20-25 points de base à partir d’un niveau de 111 points de base au-dessus des obligations souveraines.
De son côté, Bank of America Merrill Lynch note un afflux de capitaux sur les catégories « investissement », notamment les émetteurs les mieux notés, au détriment du « high yield » qui décollecte, le tout en anticipation des annonces du 22 janvier.
Devises : la baisse de l’euro se poursuivra
La conséquence apparemment la plus prévisible est le recul de l’euro. Morgan Stanley table sur un taux de change de 1,12 dollar pour 1 euro, mais envisage la parité entre les deux monnaies si la BCE peut agir sans contraintes.
Pour de nombreux observateurs, l'annonce surprise de la BNS la semaine dernière, qui a provoqué une envolée du franc suisse, a été décidée en anticipation des annonces à venir de la BCE.
Source: Morningstar.
Quels sont les risques ?
« Acheter la rumeur ; vendre la nouvelle ». Le principal risque à court terme est que malgré l’annonce de la BCE les marchés considèrent que tout est joué et surtout que l’objectif principal d’un « QE » - lutter contre la menace déflationniste – ne soit pas suffisamment efficace, avec une nouvelle série d’interrogations sur la vigueur de la croissance économique mondiale qui ressurgirait aussitôt (le FMI vient d’ailleurs de revoir à la baisse ses prévisions).
Le plus important, ce seront les détails que voudra bien fournir la BCE sur les modalités de mise en œuvre de son programme. Mais le risque politique, notamment les dissensions au sein du conseil des gouverneurs ou le risque juridique, font craindre à certains que l’effet du « QE » sera moins important que prévu.