Depuis l’été 2014, la hausse du dollar face à l’euro a été vertigineuse, et surtout quasi ininterrompue. Les principaux moteurs de cette appréciation du billet vert ont été la divergence du cycle économique entre les Etats-Unis et l’Europe et la divergence de politique monétaire (la Fed a annoncé l’an dernier l’arrêt des achats d’actifs au moment où la BCE initiait l’assouplissement de sa politique monétaire).
Politiques divergentes
Cette double dynamique s’est poursuivie jusqu’au début de cette année, et l’annonce du « QE » de la BCE en janvier dernier a amplifié le mouvement de baisse de l’euro face au dollar.
Actuellement, l’euro ne vaut plus que 1,08 dollar et le consensus de marché estime que la parité entre les deux devises sera atteinte d’ici la fin de l’année.
Le mouvement d’appréciation du billet peut-il se poursuivre pour autant dans les mêmes proportions qu’au cours des derniers mois ? Difficile à dire, mais certains éléments doivent conduire à une certaine prudence, selon certains observateurs.
Les stratégistes d’UBS observent dans une note datée du 7 avril que « la capacité des taux US à agir comme catalyseurs d’une hausse significative du dollar est plutôt limitée à court terme ».
Report de la hausse des taux américains
En bref, tous ceux qui pariaient récemment sur l’annonce d’une prochaine hausse des taux de la Fed en ont été pour leurs frais, puisque les dernières statistiques américaines ont plutôt conduit la Fed à attendre et les anticipations d’un relèvement des taux ont été reportées du deuxième au troisième trimestre.
Les économistes Exane BNP Paribas vont plus loin. Dans une étude datée du 13 avril, ils écrivent : « avec le dollar déjà en hausse de 11% face à l’euro depuis le début de l’année, nous doutons que le découplage monétaire peut encore pousser le dollar un peu plus haut pour le reste de 2015. »
Ils expliquent leur doute en notant que le sentiment des investisseurs a évolué avec d’un côté des signaux d’un moindre dynamisme de l’économie américaine, et de l’autre, des signaux plus encourageants de reprise de l’économie européenne.
Risque de baisse
La médiane des prévisions de 8 banques place le curseur de la parité euro-dollar à 1,05 à la fin de l’année et à 1 dollar pour 1 euro fin 2016 (sur la base des 6 prévisions disponibles).
Mais les stratégistes d’UBS notent qu’historiquement, les parités monétaires sont très fluctuantes et que le risque d’une baisse plus prononcé n’est pas à écarter.
Ils évoquent même une parité de 0,8 euro pour 1 dollar si, toutes choses égales par ailleurs, la zone euro devait réduire son écart à la croissance potentielle (actuellement de 2 points de pourcentage) et si la baisse de l’euro était le seul levier disponible (ce qui fait beaucoup de conditions tout de même).
Cette hypothèse est d’autant plus difficile à envisager qu’un euro encore plus faible aurait des répercussions globales, en particulier au Japon et dans les pays émergents – compte tenu du degré d’ouverture aux échanges mondiaux de la zone euro et du niveau déjà important de l’excédent commercial (autour de 250 milliards d’euros).
Une parité de 1,26 sur le long terme
Si les parités sont très fluctuantes à court terme, et compte tenu de l’environnement économique actuel, quelles sont les parités de référence sur le long terme ? Utilisant trois modèles de valorisation différents (parités de pouvoir d’achat, taux de chang
e d’équilibre et écarts de productivité et de réserves de changes), les stratégistes d’UBS estiment la parité de long terme de l’euro face au dollar autour de 1,26 (chaque modèle donnant une parité de respectivement 1,22, 1,27 et 1,30).
Mais ces modèles ne peuvent donner qu'une indication, ou un point de référence, mais pas une cible définie et précise, rappellent les stratégistes d'UBS.
La Fed principal moteur
Pour Exane BNP Paribas, le principal moteur d’une poursuite de la hausse du billet vert reste à court terme l’annonce d’une hausse des taux directeurs de la Fed.
Mais tant qu’il y aura une incertitude sur ce point – hypothèse vraisemblable au moins jusqu’au troisième trimestre 2015 (sous réserve de nouvelles économiques majeures) – « nous anticiperions une appréciation du dollar vers la fin de l’année, l’action de la Fed retirant une incertitude quant aux perspectives d’évolution des taux », estiment les économistes d’Exane.