Depuis mi-avril, les Bourses connaissent un certain affolement, qui s’est notamment manifesté par l’effondrement du Bund. En moins de trois semaines, le rendement à 10 ans de l'un des actifs les plus sûrs aux yeux des investisseurs est passé de 0,06% à 0,74%.
L’onde de choc touche les obligations des pays de la périphérie de la zone euro, les actions européennes (le Stoxx 600 abandonne un peu plus de 7% depuis la mi-avril), le crédit souffre, tandis que l’euro regagne du terrain face au dollar (près de 5% en un mois).
Evolution comparée du Stoxx 600 et du rendement 10 ans du Bund
Source: Factset, Morningstar.
Pour Françoise Rochette, responsable de l’allocation d’actifs chez Mandarine Gestion, ce « minikrach » des marchés « est lié notamment à l’évolution de l’euro-dollar et au changement de perception quant aux rythmes de croissance économique entre les Etats-Unis et la zone euro. D’un côté, le chiffre de croissance américaine du premier trimestre a déçu les investisseurs, qui avaient déjà des anticipations basses. D’un autre côté, la zone euro continue plutôt de surprendre positivement, les dernières prévisions de Mario Draghi ayant été récemment confortées par le FMI. »
Si la réaction des marchés obligataires est aussi violente, c'est également parce que les rendements avaient atteint des niveaux historiquement bas, les investisseurs anticipant un mouvement de baisse auto-entretenue à partir de l’annonce du « QE » de la Banque centrale européenne en janvier dernier, puis sa mise en œuvre à partir du mois de mars.
A cela s'ajoutaient les anticipations d'un environnement de taux et d'inflation durablement bas, en raison des déséquilibres économiques dans certains pays (chômage élevé en Europe, ralentissement dans les émergents) et des pressions sur les cours des matières premières.
« Depuis deux semaines, l’évolution des prix a été amplifiée par un renversement des anticipations, les investisseurs se mettant davantage à regarder la valorisation des obligations et les données macro-économiques que le déséquilibre de l’offre et de la demande de papier », analyse Silvia Ardagna, stratégiste chez Goldman Sachs.
Véronique Riches-Flores se montre plus catégorique: « S'il existe un fil conducteur derrière ces mouvements ce n'est pas sur le front économique qu'il se trouve mais dans ce qui ressemble de plus en plus à un vent de défiance à l'égard des banques centrales. »
Pour de nombreux observateurs, en effet, cette situation de stress pourrait bien perdurer aussi longtemps que les marchés n’auront pas de meilleure visibilité sur la normalisation de la politique monétaire américaine.
« Les marchés devraient restés nerveux jusqu’à la publication du rapport sur l’emploi américain ce vendredi », estime Françoise Rochette. La gérante observe toutefois qu’au niveau actuel du Bund, les investisseurs ont sans doute la possibilité de saisir des opportunités. « La remontée des rendements obligataires leur redonne de l’attractivité pour les investisseurs et le mouvement sur les taux pourrait se stabiliser, d’autant que la BCE s’est engagée dans une politique d’achat régulier massif de papiers », explique-t-elle.
Cette plus grande nervosité des investisseurs pourrait néanmoins perdurer tant que les marchés n’auront pas de meilleure visibilité sur le chemin de remontée des taux de la Fed. De ce point de vue, le rapport sur l’emploi américain publié ce vendredi pourrait avoir un rôle charnière dans l’évolution des places boursières.
Ce week-end, pendant l'assemblée générale de Berkshire Hathaway, Warren Buffett avait estimé que le niveau de valorisation des marchés était "plutôt du côté cher", mais que cette situation pourrait perdurer aussi longtemps que les taux resteraient bas. En revanche, "l'oracle d'Omaha" avait indiqué que cette situation ne devenait plus tenable si les taux commençaient à se normaliser. L'évolution récente des marchés semble lui donner raison.