Alors que les taux d’intérêt en zone euro affichaient depuis plusieurs années une tendance régulière de baisse, alimentée par des craintes déflationnistes, une politique monétaire accommodante et des injections massives de liquidités par la Banque Centrale Européenne, la fin du mois d’avril et le début du mois de mai 2015 ont été marqués par le retour de la volatilité sur les marchés des taux.
Le taux allemand à 10 ans est passé de près de 0,05% à 0,7% en l’espace de quelques semaines, avant de s’établir vers 0,62% ce mercredi 13 mai. Cette hausse semble traduire une certaine prise de conscience des investisseurs sur le niveau de valorisation élevé atteint par les marchés obligataires, ainsi que sur le manque de visibilité quant à une éventuelle normalisation de la politique monétaire aux Etats-Unis.
Les fonds investis en obligations en euro ont logiquement souffert de cette correction : du 28 avril au 8 mai 2015, la catégorie Morningstar Obligations Emprunts d’Etat EUR a ainsi perdu -2,15%, effaçant près des deux tiers de sa progression depuis le début de l’année.
A titre de comparaison, en 2014, une année marquée par une forte baisse des taux, cette catégorie avait signé l’une des meilleures performances du marché (10,5%). Les catégories Morningstar Obligations EUR Diversifiées (constituées d’obligations privées et publiques) et Obligations EUR Emprunts Privés sont elles aussi en baisse, mais dans des proportions moins importantes (-1,6% et -1% respectivement).
Source: Morningstar.
Les fonds d’obligations souveraines sont en effet les plus touchés par cette volatilité car leur performance est, toutes choses égales par ailleurs (c’est-à-dire sans prendre en compte d’autres facteurs tels que le risque pays), une fonction directe de l’évolution des taux d’intérêt.
Cette sensibilité est mesurée par la duration : lorsqu’une obligation « sans risque » affiche une duration de 5 ans, cela veut dire que sa valeur va augmenter de 5 % pour chaque baisse de 1 % des taux. A l’inverse, cela veut dire que si les taux montent de 1 %, sa valeur baisse de 5 %. La duration a aussi un rôle à jouer dans les fonds investis en obligations privées, mais de manière plus secondaire : ces fonds réagissent aussi, voire surtout, aux évolutions de la prime de risque crédit et aux fondamentaux des entreprises sous-jacentes.
Parmi les fonds bénéficiant d’une Note des Analystes Morningstar positive, plusieurs étaient positionnés pour limiter l’impact éventuel d’une hausse des taux d’intérêt.
Les investisseurs peuvent identifier ces fonds grâce à la Style Box obligataire Morningstar, qui représente le positionnement d’un fonds sur deux axes : la sensibilité aux taux d’intérêt et la qualité de crédit du portefeuille.
Les fonds ayant une duration faible, comprise entre 0 et 3,5 ans, se situent dans la colonne de gauche, et sont habituellement inclus dans des catégories « court terme » (Obligations EUR Emprunts d’Etat Court Terme, Obligations EUR Emprunts Privés Court Terme, etc). Les fonds ayant une duration modérée (3,5 à 6 ans) apparaissent dans la colonne du milieu, tandis que les fonds ayant une duration longue (plus de 6 ans) figurent dans la colonne de droite.
Obligations EUR Emprunts d’Etat
Parmi les fonds investis en obligations souveraines, les fonds Petercam Bonds EUR et BlueBay Investment Grade Government Bond affichaient, à la date du dernier portefeuille collecté par Morningstar, une duration inférieure à celle de l’indice de référence. Ceci leur a permis de résister un peu mieux à la correction des marchés depuis le 28 avril. A l’inverse, le fonds ESPA Bond Euro-Reserva, avec une duration de 7,47 années (contre 7,1) pour l’indice, signe l’une des pires performances sur cette période.
Source: Morningstar.
Obligations EUR Diversifiées
Au sein des fonds investis à la fois en obligations privées et publiques, on constate également que les deux fonds qui affichaient la duration la plus faible (Pioneer Fds Euro Aggregate Bond et ERSTE Responsible Bond) ont signé une perte légèrement inférieure à celle de l’indice.
Source: Morningstar.
Obligations EUR Privées
Enfin, parmi les fonds investis en obligations privées, plusieurs fonds tels que AXA WF Euro Credit IG et BGF Euro Corporate Bond affichaient une sous-exposition en duration. Ceci leur a permis de limiter les pertes par rapport à l’indice de référence, même si, compte tenu de leurs leviers de performance plus nombreux (choix sectoriels, sélection de titres, etc.), ces fonds sont structurellement moins sensibles au risque de taux que leurs homologues investis en obligations souveraines.
Source: Morningstar.
Regarder la performance des fonds au cours de périodes de volatilité sur les taux peut donner aux investisseurs des indices sur le comportement à attendre de leur placement dans le cas d’une éventuelle hausse plus prolongée des taux d’intérêt.
Il serait toutefois dangereux d’en tirer des conclusions définitives sur la qualité de la gestion car au final, seule l’analyse de la performance de long terme, et sur une base ajustée des risques, permettra d’évaluer si le gérant du fonds a fait un bon usage de sa gestion de la duration sur un cycle de marché complet.