Après le mouvement d’appréciation débuté à l’été 2014, le dollar était entré dans une bande de fluctuation étroite avec un panier de devises de pays développés (euro, dollar canadien, yen, livre, franc suisse, dollar australien, couronne suédoise). Mais cette situation semble en train d’évoluer. De fait, au regard d’un panier plus large de devises (graphique), le billet vert a trouvé ses plus hauts de 2002.
Source: Federal Reserve of St Louis
Selon le Peterson Institute, à mi-novembre, le dollar était surévalué de 11%. La perspective d’une politique fiscale agressive (réductions d’impôts, dépenses d’infrastructures et en faveur de certains secteurs d’activité comme l’énergie ou la défense) et d’une accélération du resserrement de la politique monétaire américaine n’a fait qu’amplifier le mouvement de hausse du billet vert.
Mais à voir la réaction des marchés actions, obligataires et des devises, il semble que les investisseurs ont déjà largement intégré ces « bonnes nouvelles », bien avant qu’elles n’aient eu le temps de se matérialiser. Les investisseurs s’exposent donc à un risque de déception qui pourrait créer de la volatilité.
Ce serait notamment le cas, si la mise en œuvre de la politique fiscale de Trump était plus longue à mettre en place que prévu ou si la Fed ne parvenait pas à tenir son objectif de réaliser 3 hausses de taux l’an prochain (rappelons que par le passé son « historique de performance » n’est pas des plus convaincants).
De l’avis de certains stratégistes, le dollar peut donc continuer son mouvement d’apprécier au moins sur le début de 2017, surtout si la Fed parvient à implémenter ses hausses de taux et si les autres banques centrales des pays développés (BCE, Banque du Japon) maintiennent une attitude accommodante (ce qu’elles ont annoncé ce mois-ci).
Mais le chemin de reprise de l’activité économique et des prix qui justifierait une hausse du billet vert semble encore bien précaire et pourrait ménager quelques surprises. D’autant que la devise américaine est surévaluée.
En dehors des Etats-Unis, l’année 2017 sera marquée par un calendrier politique chargé en Europe, alors que la croissance de la zone euro reste modeste et que l’inflation est encore loin de l’objectif de la BCE. Et si le dollar continue de s’apprécier, les devises émergentes pourraient connaître une année encore difficile.
Même si la croissance revient dans ces pays, l’appréciation du dollar pourrait conduire à des mouvements de capitaux importants, source d’affaiblissement des devises locales et d’inflation que les autorités de ces pays devront combattre.
Enfin, le marché des devises pourrait être chahuté par d’autres types de feuilletons, parmi lesquels un effondrement du yen ou du yuan chinois.
La devise japonaise pourrait en effet pâtir de la politique monétaire de la Banque du Japon qui s’est engagée à fournir les liquidités nécessaires pour maintenir à 0% le rendement à 10 ans des obligations souveraines, signant de facto en chèque en blanc au gouvernement pour relancer l’activité économique (malgré des résultats peu convaincants jusqu’ici et des problèmes structurels – vieillissement démographique, baisse de la productivité – toujours prégnants).
L’avenir de la devise chinoise est tout aussi incertain. La Chine n’est plus sur l’écran radar des investisseurs depuis quelques mois, en raison notamment de l’absence de détérioration des données économiques publiées par le pays.
Mais cette amélioration est avant tout le reflet de la politique fiscale conduite par Pékin et dont les effets sur l’activité devraient s’atténuer dans le courant de l’année à venir. L’histoire de fond reste celle d’une transition vers un modèle moins centré sur l’investissement et les exportations et davantage centré sur la demande intérieure, avec comme corollaire un ralentissement de la croissance que Pékin contrôle tant bien que mal.
Les dernières statistiques confirment cette thèse : la production industrielle progresse sur un rythme annualisé de 6% environ, inchangé par rapport à il y a un an. L’investissement croit de 8% environ en rythme annuel (contre 10% fin 2015). Les indices de confiance des consommateurs sont relativement stables et la croissance économique décélère (6,7% en rythme annualisé).
Mais le vrai défi pour la Chine est l’augmentation continue de l’endettement et du coût de la dette au moment où la croissance devient moins dynamique. Cette dissonance pourrait bien se refléter dans un affaiblissement de la devise face au dollar, avec le risque d’une accélération des sorties de capitaux. Bref, un cercle vicieux qui serait problématique pour le monde entier et pourrait recréer les conditions d’un marché des devises très volatil l’an prochain.