A première vue, un environnement de croissance économique soutenue sans inflation constitue le meilleur des mondes : d’un côté, la croissance est plutôt favorable aux actions ; de l’autre, l’absence d’inflation est un élément positif pour les obligations.
Toutefois, pour certains gérants, l’absence d’inflation alors que la croissance économique accélère et que le chômage est historiquement bas dans plusieurs pays développés représente un vrai défi pour la construction de portefeuille.
L’un des principaux risques pourrait être une accélération imprévue de l’inflation qui obligerait les banques centrales à remonter plus rapidement leurs taux directeurs, entraînant une correction des marchés obligataires.
Les autorités monétaires s’interrogent elles aussi sur cette faiblesse persistante de l’inflation. « Le comportement de l’inflation est de plus en plus difficile à comprendre », observait récemment Claudio Borio, le chef économiste de la Banque des Règlements Internationaux. Il notait que les facteurs réels ayant un impact sur l’inflation, tels que la globalisation, le changement technologique ou la démographique tendent à être sous-estimés.
Ce n’est pas la seule personne à s’en inquiéter. Jim Leawiss, directeur de l’équipe obligataire de M&G Investments, a avoué jeudi ne pas comprendre ce qui se passe sur le front de l’inflation, au cours d’une réunion avec des investisseurs.
Ceci ne l’a toutefois pas empêché de s’exposer aux obligations indexées sur l’inflation aux Etats-Unis (TIPS) considérant que la classe d’actifs est particulièrement bon marché.
A contrario, il juge chères les obligations souveraines et le crédit, estimant que la qualité sous-jacente des indices de crédit s’est détériorée de manière générale.
L’absence d’inflation et les politiques monétaires toujours accommodantes ont incité de plus en plus d’investisseurs à prendre plus de risque, ou à aller se réfugier dans des gestions passives de type ETF. Mais la duration de certains de ces produits a augmenté, si bien que le risque de ces produits est aujourd’hui élevé, au moment même où les souscriptions affluent.
Cette situation est jugée dangereuse par les gérants de M&G, car le mouvement de hausse des taux d’intérêt leur semble inéluctable : pas parce que l’inflation accélèrerait soudainement, mais tout simplement parce que les banques centrales vont réduire leurs achats de papier obligataire.
Ceci conduira à un excès d’offre sur les marchés, avec à la clef une remontée des taux, ou ce qui revient au même une baisse des cours.
L’absence d’inflation demeure donc un mystère pour de nombreux observateurs. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de montée des risques, en particulier sur le plan de la valorisation de nombreuses classes d’actifs.