« L’Europe est perçue comme une pari « value » et le sentiment parmi les investisseurs est qu’elle ne surperformera pas tant que le style « value » et les secteurs cycliques ainsi que les financières ne commenceront pas à faire mieux. »
En quelques mots, les stratégistes d’UBS, après une semaine de rencontre avec des investisseurs américains, permettent de comprendre pourquoi les actions européennes sont en retard, voire amplifient leur sous-performance par rapport aux actions américaines.
Depuis le début de l’année, pour un investisseur en euros, les actions européennes (indice Morningstar Europe NR EUR) ont cédé 1,1% quand les actions américaines (Morningstar US Markets TR) ont rapporté 13,5%.
Sur 5 ans, en rythme annualisé, l’écart de performance atteint près de 10 points de pourcentage (6,73% par an en Europe contre 16,44% aux Etats-Unis) et sur 10 ans, il est d’un peu plus de 7 points de pourcentage (respectivement 6,22% contre 13,45%).
Dans cet écart de performance, les investisseurs américains ont souvent joué un rôle important, en particulier en contribuant aux phases de rebond des indices européens.
A plus court terme, d’autres facteurs permettent d’expliquer la sous-performance des actions européennes. Voici les 5 plus importants.
1. La première raison est liée à la composition sectorielle des indices. Aux Etats-Unis, le poids de la technologie est très important. Ce secteur a connu une progression boursière très importante au cours des dix dernières années, alors qu’il représente 26% des indices américains contre 5% à 6% pour les indices européens.
Si l’on décompose par secteur l’écart de performance, la technologie représente près de la moitié, et les financières expliquent environ 20% de l’écart. La santé est également un autre secteur contribuant à la différence de performance entre Europe et Etats-Unis.
2. L’environnement économique aux Etats-Unis a été plus favorable aux entreprises, leur permettant d’afficher une dynamique de croissance bénéficiaire plus soutenue qu’en Europe. Cette année, les profits des entreprises américaines devraient bondir de 23,5% contre 8,6% en Europe, 4,2% au Japon et 14,4% dans les pays émergents (dont 16,1% en Chine), selon les données de consensus IBES, citées par une note de Bank of America Merrill Lynch.
3. L’exposition aux marchés émergents, qui a été dans le passé un moteur de performance, est cette année un détracteur. L’émergence de risques pays (Turquie, Argentine) est d’autant plus sensible que les marchés émergents représentent 30% du revenu des entreprises européennes contre 15% aux Etats-Unis.
4. Paradoxalement, si la force de l’euro a, par le passé, pesé sur la performance des Bourses européennes, sa faiblesse n’aide pas non plus. Pour les stratégistes d’UBS, cela semble lié au facteur des pays émergents, lequel a plus que contrebalancé l’effet positif de la baisse de l’euro sur le chiffre d’affaires des entreprises européennes.
5. Un dernière différence majeure entre les deux pays est le fait que les entreprises européennes n’ont pas profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour s’endetter et procéder à des rachats d’actions. Certes, l’année 2018 marque un record sur ce plan par rapport à 2011, mais on est à des années-lumières de ce que font les entreprises américaines.
Cette frugalité des entreprises européennes pour leurs propres titres peut surprendre et rassurer à la fois. Si les conditions financières sont attrayantes, celles qui estiment leur titre sous-évalué peuvent justement procéder à des rachats d’actions, mesure qui s’avère alors rentable pour leurs actionnaires.
Mais elle peut aussi rassurer et montrer une certaine discipline des dirigeants européens, au moment où beaucoup s’interrogent sur la durabilité du cycle de reprise économique mondial, qui entre dans sa dixième année depuis la faillite de Lehman Brothers, qui avait ouvert la porte à la plus grande crise financière depuis 1929.
La conclusion est que si les actions européennes peuvent présenter quelque mérite – en termes de valorisation par exemple – les fondamentaux ne semblent pas suffisamment solides pour justifier un retournement de tendance et une surperformance de la classe d’actifs par rapport aux actions américaines.
Cela dit, certains investisseurs contrariants pourraient considérer que le sentiment de marché est devenu trop pessimiste sur la classe d’actifs. En l’absence de récession à court terme ou de détérioration des fondamentaux, ceci pourrait justement offrir une opportunité d’acheter une classe d’actifs qui se paie aujourd’hui 13,2x les résultats, soit en-deçà de sa moyenne historique et des actions américaines qui fleurtent avec un multiple de 17x les résultat prévus à 12 mois.