Aplatissement, inversion : quelques rappels
La courbe des taux d’intérêt permet de déterminer à quel taux les émetteurs (souverains) peuvent s’endetter pour des horizons de temps différents.
Le niveau des taux d'intérêt sur les parties courtes (maturités de moins de 2 ans), intermédiaires (2-5 ans) et longues (au-delà de 5 ans) est sensible à des facteurs économiques différents.
Sur la partie courte, la politique monétaire joue un rôle déterminant, puisque la banque centrale détermine de façon théoriquement indépendante à quel taux les banques commerciales peuvent lui emprunter des liquidités.
La partie longue reflète plus les anticipations de croissance économique et d’inflation. Plus le niveau des taux longs est bas, plus il indique que les investisseurs s'attendent à ce que le niveau de la croissance et de l'inflation seront durablement faibles.
L’écart entre partie courte et longue permet de déterminer le degré de pente de la courbe. Si l’écart est important ou augmente, on dit que la courbe est pentue ou qu’elle se « pentifie ». S’il diminue, on dit que la courbe s’aplatit.
Spread 2 ans - 10 ans sur la courbe des taux américaine
Source : FRED, St Louis Federal Reserve
On a aussi connu des situations plus rares où la courbe des taux pouvait s’inverser, c’est-à-dire qu’il coûtait plus cher en termes de taux d'intérêt d’emprunter à court terme qu’à long terme.
L’inversion de la courbe des taux est particulièrement scrutée par les investisseurs car elle a été l’indicateur précurseur des récessions aux Etats-Unis (c’est le cas des 7 dernières récessions).
La courbe des taux tend à s’aplatir lorsque l’économie est en fin de cycle et que la Fed commence à remonter ses taux d’intérêt pour éviter le risque de surchauffe.
Dans les phases de récession, la courbe des taux se pentifie à travers sa partie courte, la Fed baissant fortement ses taux directeurs pour soutenir l’activité.
L'an dernier, les marchés financiers ont été pris de panique à l'idée que la Fed puisse remonter durablement ses taux d'intérêt. Ce mouvement de panique a obligé la Fed à changer sa communication, la rendant en quelque sorte otage des marchés.
Cette situation a en quelque sorte atteint son paroxysme cet été, lorsque la Fed, sous la pression des marchés, du président américain et des incertitudes liées à la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, a décidé de baisser ses taux directeurs de 25 points de base.
L'intensification de la guerre commerciale qui s'est muée en guerre des devises (le yuan passant sous le seuil symbolique de 7 yuan pour 1 dollar), les investisseurs ont continué à se ruer vers les actifs sûrs (10 ans américain, yen, or), provoquant l'inversion de la courbe des taux. Même si le 2 ans a reculé, le 10 ans a baissé encore plus vite (respectivement 97 points de base et 116 points de base).
Conséquences pour les classes d’actifs
Comme l’explique David Zahn gérant chez Franklin Templeton, depuis la crise financière de 2008, la difficulté pour les investisseurs est que le prix des actifs a été distordu par l’action des banques centrales.
Le fait que le prix de l'argent soit faible voire nul contribue à l'appréciation du prix des actifs financiers (immobilier, actions) et pousse certains investisseurs à prendre de plus en plus de risque ou à aller sur des classes d'actifs peu ou pas liquides (infrastructures, private equity).
Après la panique de fin 2018, les marchés actions ont connu un beau rebond tout au long du premier semestre 2019.
Ils sont toujours en territoire positif (tableau), mais l'intensification de la guerre commerciale entre Etats-Unis et Chine (qui se mue en guerre des devises), l'incertitude politique autour du Brexit, en Italie et le ralentissement de l'économie allemande rendent les investisseurs de plus en plus nerveux.
Les actifs risqués, actions en tête, ont logiquement commencé à perdre du terrain.
Si une récession devait survenir, les marchés actions connaîtraient alors une correction bien plus importante, même si ce scénario n'est pas encore "joué" par les marchés - ces derniers anticipent plutôt une poursuite du mouvement de baisse des taux aux Etats-Unis, alors que la BCE devrait elle annoncer des mesures accommodantes lors de sa réunion de septembre.
Parmi les facteurs déterminants de l’impact de la courbe des taux sur les classes d’actifs, il y a l’inflation, mais il y a aussi les anticipations de croissance économique. Ces dernières ont été plutôt robustes jusqu'à peu (cf l'indicateur Global PMI Composite), mais certaines composantes commencent à se détériorer.
Dans ces circonstances que les risques de correction boursière augmentent de manière significative.