Nous écrivons beaucoup sur les frais de gestion chez Morningstar, en se référant le plus souvent au TER (Total Expense Ratio) ou, en français, le total des frais sur encours (TFE). C’est le moyen traditionnel d’évaluer les coûts payés par les porteurs de parts d’un fonds. Les frais facturés aux investisseurs sont par ailleurs l’un des piliers de la notation qualitative Morningstar des fonds. Si nous attachons tant d’importance aux frais, c’est pour une simple raison : ils constituent l’un des facteurs les plus importants de la performance relative d’un fonds. Ils s’attaquent à la performance année après année et leur impact s’additionne au fil du temps.
Le TER recouvre tous les frais de fonctionnement et de gestion d’un fonds à l’exception des frais de transactions générés par les achats et ventes de titres en portefeuille. En revanche, le TER peut aussi inclure des commissions de surperformance qui peuvent l’alourdir substantiellement. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais s’intéresser au pour et contre de ces frais supplémentaires vaut vraiment la peine :
Commissions de surperformance, de quoi s’agit-il ?
Les commissions de surperformance sont des frais conditionnels qui sont appliqués lorsqu’un fonds surperforme un indice déterminé ou un seuil de déclenchement. Ces frais viennent s’ajouter aux frais de gestion annuel. Pour comprendre, prenons l’exemple de la structure « 2-20 » assez répandue dans l’univers des hedge funds. Avec ce système, les hedge funds facturent 2% de frais de gestion annuels et 20% de la performance supérieure à un seuil de déclenchement spécifié. Alors que les hedge funds facturent depuis longtemps des commissions de surperformance, ce phénomène est assez récent mais se généralise dans le monde des fonds d’investissement grand public.
Notre opinion est partagée en ce qui concerne les commissions de surperformance. Si elles sont mal structurées, elles peuvent en fait récompenser un gérant qui ne remplit pas les qualifications minimum requises par son mandat. Après tout, les fonds gérés activement facturent déjà des frais de gestion annuels plus importants que les fonds indiciels parce qu’implicitement ils prétendent pouvoir battre l’indice. On peut donc raisonnablement penser que le TER d’un fonds inclut déjà la rétribution de cette surperformance prétendue. (En fait en moyenne les gérants actifs peinent à battre les fonds indiciels, mais peu importe c’est un sujet pour un autre article). Néanmoins, facturer des frais additionnels de surperformance n’est pas nécessairement négatif. Si les commissions de surperformance sont convenablement structurées, elles permettent de mieux aligner l’intérêt du gérant avec celui des investisseurs sans pour autant porter le total des frais à un niveau déraisonnable.
Meilleures pratiques: des commissions symétriques
Idéalement, nous aimerions voir des commissions de performance symétriques (« fulcrum fees »). C’est-à-dire que les frais augmenteraient quand le fonds surperforme mais seraient réduits dans une proportion égale lorsque le fonds sous-performe. Quelques rares pays, comme la Norvège ou les Etats-Unis, imposent aux sociétés de gestion un fonctionnement symétrique des frais de surperformance. Malheureusement ces pays sont des exceptions et non la règle. Dans leur grande majorité, les commissions de performance ne vont que dans un sens – celui des sociétés de gestion. Elles sont récompensées en cas de surperformance, mais pas pénalisées lorsqu’elles sous-performent. Cela ne vous choque pas ? Nous si ! Malheureusement c’est la pratique la plus courante en Europe.
Meilleures pratiques: des frais de gestion inférieurs à la moyenne
Si la commission de performance n’est pas appliquée de façon symétrique alors on pourrait au moins s’attendre à des frais de gestion inférieurs à la moyenne. Autrement, il n’y a aucun risque pour la société de gestion – elle perçoit la même commission que n’importe quel fonds géré activement perçoit même en cas de sous-performance. Qui plus est, le TER d’un fonds peut devenir très lourd. Prenons l’exemple de Socgen International SICAV, un fonds investi en actions internationales, qui facture des frais de gestion élevés de 2% plus une commission de 10% sur la performance du fonds au-delà d’un seuil fixé à LIBOR plus 2% (sans symétrie). Le TER du fonds ressort finalement à un niveau excessif de 2,96%, bien au-delà de la médiane de la catégorie de 1.63%.
Meilleures pratiques: choisir un benchmark adéquat
Le seuil de déclenchement de ce fonds est injuste car il récompense avant tout le fonds pour la performance d’une classe d’actifs (les actions internationales), autrement dit le beta. S’il peut surperformer un indice monétaire (LIBOR) de plus de 2%, il obtient la commission de surperformance même dans le cas où le fonds sous performe massivement un indice actions plus pertinent tel que le MSCI World. Une commission de surperformance qui récompense un gérant alors même qu’il « détruit » de la valeur nous semble une bien piètre proposition en effet.
A la place, une commission de performance doit être structurée afin de récompenser un fonds pour sa surperformance au-delà de sa classe d’actifs. C’est pourquoi nous préférons voir la performance d’un fonds mesurée contre un indice qui représente au mieux l’univers d’investissement du gérant. Par exemple, un fonds toutes capitalisations investi au Royaume uni qui investit sur l’ensemble du marché britannique pourrait raisonnablement mesurer sa performance contre le FTSE All Share (néanmoins s’il a un fort biais vers les petites et moyennes valeurs, un indice composite comprenant les indices FTSE 250 et FTSE Small cap serait approprié puisque le FTSE All Share a un biais vers les grandes capitalisations). Une commission de performance doit prendre pour référence un indice qui récompense le gérant quand ce dernier ajoute réellement de la valeur et non quand les biais inhérents à sa stratégie lui sont favorables.
Meilleures pratiques: les « high-water marks »
Les commissions de performance doivent aussi inclure des “high-water marks » ou un mécanisme similaire. Le «high-water mark» ou seuil plafond, correspond à un principe qui veut que la commission de performance ne s’applique que lorsque la valeur liquidative dépasse son plus haut niveau enregistré par le passé. Cela évite que les investisseurs paient des commissions sur des résultats qui représenteraient un rattrapage de périodes passées de sous performance. Par exemple, si un fonds a sous-performé en 2008, les investisseurs ne devraient pas s’attendre à payer une commission de surperformance avant que le fonds n’ait regagné ce qu’il a perdu. Sans « high water mark », les commissions de performance nous semblent négatives pour l’investisseur.
Meilleures pratiques: une communication transparente
Pour finir, les commissions de surperformance doivent être clairement signalées et expliquées dans les prospectus et les présentations commerciales. Les investisseurs doivent pouvoir les trouver et les comprendre facilement. Idéalement, différents scénarios devraient être fournis pour aider l’investisseur à comprendre comment la commission de surperformance va s’appliquer dans différentes conditions de marché.