Bien évidemment lorsque l’on investit dans un fonds, c’est pour obtenir un rendement ; et il est logique de s’intéresser aux performances passées pour apprécier la qualité d’un fonds. Mais c’est loin d’être le seul point à prendre à compte.
Il faut en effet analyser cette performance et essayer de comprendre d’où elle vient. Car on le sait, à mesure qu’on vise des performances importantes on va sur des classes d’actifs de plus en plus risquées : le monétaire "pur" ne présente pratiquement pas de risque de perte en capital mais le rendement à en attendre ne dépasse pas en ce moment 1 à 2% par an. Avec les obligations d’Etat on peut viser du 3% à 6% mais avec un risque plus important. Les actions offrent des perspectives de rendement de 5% à 12% mais avec une volatilité supérieure et un risque de perte en capital encore plus important…
Bref, pour comprendre d’où vient la performance, il est intéressant de regarder comment le portefeuille du fonds est construit et quels sont les paris pris par le gérant.
Dans ou hors du marché
Souvent négligée mais parfois éloquente, la poche en "cash" du fonds est susceptible de révéler beaucoup sur la façon dont le gérant conçoit son mandat. Certains n’ont jamais plus de 2 à 4% de liquidité dans leur portefeuille alors que d’autres n’hésitent pas à monter la part en cash au-delà de 20% s’ils le jugent souhaitable.
En matière de liquidité, il existe pour ainsi dire 2 grandes doctrines, avec bien sûr des désinences intermédiaires. La première estime que la vocation du gérant est d’investir l’argent qu’on lui a confié et qu’en conséquence le fonds doit être investi en permanence. A l’opposé, les gérants avec une approche plus patrimoniale considèrent que leur objectif est de gagner de l’argent, et à défaut de ne pas en perdre. En conséquence, lorsqu’ils jugent le marché trop cher et n’identifient pas d’opportunités d’investissement, ils sortent et la poche de cash du fonds augmente !
Au cours des 2 dernières années de nombreux gérants ont mis en place des stratégies de couverture de leur portefeuille afin de régler leur exposition au marché. S’ils pensent que le marché va baisser, plutôt que de vendre les valeurs détenues en portefeuille ils "couvrent" ce dernier avec des futures.
La présence de liquidités importantes en portefeuille explique la surperformance relative de certains fonds en phase de marchés baissiers : la partie en cash ne perd pas de valeur. Mais attention, lorsque les marchés se retournent, si le gérant ne s’est pas réinvesti il risque de ne pas profiter pleinement de la hausse.
Quel niveau de concentration
Un des principes de base en matière de gestion, c’est de diversifier les risques. C’est la raison pour laquelle la réglementation en France interdit dans le cadre d’une Sicav ou d’un FCP d’avoir plus de 5% du portefeuille sur un même actif ; ce qui donne mécaniquement au minimum 20 lignes par portefeuille. Par dérogation, il est possible de dépasser ce plafonds de 5%, à condition de ne aller au-delà de 10%, et que l’ensemble des valeurs en dépassement ne représentent pas plus de 40% des actifs du fonds.
Il est intéressant de voir comment ce principe de diversification est mis en œuvre par les gérants. Généralement un portefeuille actions compte de 50 à 120 lignes. Que penser de la structure du portefeuille suivant bien plus resserré ?
Premier constat, avec 38 lignes, ce portefeuille est sensiblement en deçà de la fourchette couramment rencontrée. La théorie financière montre qu’en augmentant le nombre de lignes d’un portefeuille on en réduit la volatilité. Toutefois les analyses statistiques établissent qu’à partir de 20 à 30 lignes, l’ajout d’un actif supplémentaire ne réduit la volatilité que de manière marginale.
Les gérants dits "de convictions" préfèrent souvent piloter un portefeuille resserré, avec un nombre limité de valeurs qu’ils ont le temps de bien suivre. Mais ici un autre constat s’impose : les 10 premières lignes du portefeuille pèsent presque 60% du total. Sans s’attendre à ce que chaque ligne soit équipondérée et que les 10 premières lignes d’un portefeuille d’une quarantaine de lignes pèsent 25%, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ces 10 lignes ne représentent que 30 à 40% des actifs du fonds.
Troisième constat : il existe une forte disparité au sein de ces 10 premières lignes. La première pèse presque 10% et la dixième à peine plus de 3%. En réalité, ce fonds avec 3 lignes de tête qui pèsent individuellement plus de 8% semble bien concentré. Il ne serait pas surprenant qu’il affiche une volatilité supérieure à la moyenne de sa catégorie.
Il convient de noter que l’on peut retrouver un tel niveau de concentration avec un portefeuille comptant plus de 100 lignes.
Préférences et partis-pris
Nous avons tous nos préférences, nos biais et les gérants de fonds n’échappent pas à règle. Pour l’investisseur il est important d’identifier quels peuvent être les biais ou les préférences de son gérant. Il n’est pas rare qu’un gérant indique par exemple, dans le Prospectus du fonds ou dans son rapport d’activité, quels sont les secteurs d’activité qu’il privilégie et quels sont ceux dont il préfère rester à distance.
Quels constats tirer du tableau précédent qui présente l’allocation sectorielle d’un fonds ? Les valeurs du secteur Energie ne représentent que 4,1% des actifs du fonds. C’est peu, surtout en relatif : c’est 0,5 fois le poids de l’énergie dans les autres fonds de la catégorie.
Avec 12,1% des actifs, les services financiers ont un poids plus important dans le portefeuille. Mais attention, cette pondération là encore ne représente que 0,5 fois le poids de la finance des fonds de la catégorie. Alors que depuis le rebond des marchés actions depuis mars dernier les valeurs du secteur financier comptent parmi les plus fortes progressions, la sous-exposition relative du fonds aux valeurs de ce secteur est susceptible d’expliquer en partie la performance relative du fonds par rapport à ses pairs.
Parmi les plus fortes pondérations sectorielles du fonds on trouve l’univers des matériaux industriels (20,8%), mais aussi les sociétés ayant trait aux services aux entreprises (21,3%) et aux consommateurs (12,6%). Dans ce dernier cas, c’est le poids relatif qui est intéressant : il représente 4,7 fois que ce le l’on trouve en moyenne dans les autres fonds de la catégorie !
Ce genre de biais peut être délibéré (c’est le cas par exemple lorsque le gérant écarte des secteurs qu'il dit ne pas comprendre comme les biotechnologies) ou fortuit (c’est le cas lorsqu'une sur ou sous exposition se crée de fait, en raison de valeurs qui ont été mises en portefeuille). Dans tous les cas, cette situation n’est pas sans incidence sur les performances du fonds…
Prochain épisode : "Mon fonds est-il consistant ou…"