Si l’interprétation dans un sens “agressif” de la politique de la Réserve fédérale par les marchés était la bonne, quelles conséquences pourrait-elle avoir pour les actions? Traditionnellement, à titre de classes d’actifs, les actions ont réussi à faire face à une hausse des rendements obligataires, dans la mesure où, si ces hausses de rendement sont suscitées par des anticipations de croissance, celles-ci devraient compenser l’impact négatif sur les valorisations d’une hausse des taux d’actualisation.
Les actions ne commencent à souffrir qu’à des niveaux de taux de rendement bien plus élevés, un seuil de 5 % étant habituellement considéré comme le point critique au delà duquel le lien entre rendements obligataires et performances des actions pénètre en territoire négatif. Naturellement, la réaction initiale envers un important changement d’orientation du mode de fonctionnement du marché – comme c’est indiscutablement le cas – est nécessairement de nature à introduire une dose de volatilité et de complexité.
Une perspective connexe se dessine : les marchés pourraient interpréter le début de la réduction progressive du programme d’achats de titres comme marquant le commencement d’un cycle de hausse des taux d’intérêt – quelle que soit la position de la Réserve fédérale. L’identification des points de retournement d’un cycle de taux était chose aisée auparavant – repérer le point bas d’un graphique de taux directeurs n’est pas très difficile.
Mais il existe désormais toute une gamme de nuances auxquelles les stratégistes doivent prêter attention, les outils de politique monétaire étant devenus plus complexes : on peut par exemple s’intéresser au début de la réduction progressive d’achats de titres, à la fin réelle des achats d’actifs ou à la première hausse du taux directeur de la Réserve fédérale. Mais, malgré les complexités actuelles, les données historiques sont pleinement rassurantes si l’on se place du côté des actions : le début d’un cycle traditionnel de resserrement monétaire n’est presque jamais le signe de la fin d’un cycle haussier du marché des actions, même si un mouvement initial de vente massif a un caractère banal. Au cours des quatre derniers cycles de hausse des taux, le S&P 500 a subi une correction de 7 à 9 % après la première hausse de taux, avant de reprendre son ascension.
L’évolution du contexte signifie également que les performances des actions devront désormais être impulsées par la croissance des bénéfices plutôt que par la progression des multiples. Au cours de l’année (à fin mai 2013), l’indice actions MSCI USA a progressé de 24 %, entrainé par une hausse de 21% du multiple P/E, alors que les bénéfices n’ont progressé que de 3 %. Sur ce plan, les choses s’améliorent, tout au moins dans les pays développés.
Les anticipations du consensus tournent autour d’une croissance du BPA d’environ 7 % aux Etats-Unis pour 2013, mais nous estimons qu’il y a de bonnes chances que les bénéfices surprennent à la hausse. Les prévisions pour la zone euro de 4,5 % ne semblent pas non plus très agressives, encore que le scénario de retournement réel des bénéfices pourrait ne se manifester qu’en 2014.
L’élément clé sera l’évolution de la croissance des revenus, les anticipations tant aux Etats-Unis qu’en zone euro paraissant faibles pour ce qui concerne les taux de croissance nominaux du PIB. En effet, le rythme de l’évolution des bénéfices est déjà en voie d’amélioration : le ratio des entreprises faisant l‘objet d’une révision de leurs bénéfices à la hausse par les analystes par rapport à celles qui font l’objet d’une révision à la baisse est supérieur à 1 aux Etats-Unis au cours de ces deux derniers mois et la zone euro montre également les premiers signes d’amélioration en juin.
Naturellement, ce qui précède suppose que le changement de cap de la Réserve fédérale soit largement soutenu par un renforcement des perspectives de croissance et non principalement par des inquiétudes sur les excès des marchés d’actifs. Si ce n’était pas le cas, alors les perspectives pour les actions ne seraient pas aussi rassurantes. Mais, étant donné qu’elles concordent avec notre prévision de longue date d’une ré-accélération de l’économie des Etats-Unis au cours du second semestre, nous sommes prêts à prendre Bernanke à ses propres mots et nous restons positifs sur les actions à un horizon temporel intermédiaire.
Cette contribution est extraite du bulletin hebdomadaire publié par J.P.Morgan Asset Management. Elle a été rédigée par Neill Nuttall e Patrik Schöwitz.