Nouvelle époque pour la gestion collective

Les sociétés de gestion réduisent leurs commissions.

John Rekenthaler 26.06.2013
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La semaine dernière, un article de Jason Zweig, dans le Wall Street Journal, se demandait si la "barrière des commissions pourrait reculer à l’échelle mondiale ?". 

Il observait qu’au Royaume-Uni, certaines commissions de ventes ont été exclues du coût d’un fonds commun de placement (FCP), que l’Australie est sur le point d’imposer la même règle et que les Pays-Bas feront de même à la fin de l’année. Ces pays ont permis le développement de fonds sans droits d’entrée ni rétro-commissions (connus sous le nom de commissions 12b-1 aux Etats-Unis). Zweig pense que cela pourrait être un avenir possible aux Etats-Unis.

Je voudrais reformuler ce « probable ». Outre les 3 pays sus mentionnés, l’Inde a également banni les droits d’entrée (mais pas les rétro-commissions). De même, l’Allemagne et la Suède travaillent sur ces sujets. [En France, droits d’entrée et rétro-commissions ne sont pas interdits, mais sont en train d’être revus par le Parlement européen, NDLR].

Les Etats-Unis représentent la moitié de l’industrie mondiale de la gestion d’actifs, et pourtant, si les régulateurs américains ne s’intéressent guère à cette question (la SEC a brièvement tenté de regarder ce sujet des commissions 12b-1, mais s’est rétracté face aux protestations de l’industrie), le marché l’a fait. Comme je l’indiquais le mois dernier, les flux dans la gestion collective américaine s’orientent presqu’exclusivement vers des parts sans commissions, en l’occurrence des fonds institutionnels, des ETF et des parts A sans droits d’entrée. Le filon des commissions de gestion s’amenuise.

Zweig voit cette disparition progressive des commissions comme une bonne chose, comme le ferait tout journaliste financier ou défenseur des consommateurs. Je ne partage pas cet avis. La disparition des commissions ne signifie pas que les coûts pour les investisseurs disparaissent. Au contraire, on assiste à une évolution du mode de rémunération des gérants.

Les fonds vendus par l’intermédiaire de commissions opèrent un transfert vers les conseillers financiers. Dans le nouveau monde sans commissions, le conseiller est rémunéré directement par l’investisseur, typiquement sous la forme d’honoraires payés annuellement (elle a d’ailleurs différentes appellations). Quoi qu’il arrive, les investisseurs qui font appel à un conseil doivent le rémunérer d’une manière ou d’une autre. Les investisseurs y gagneront si le nouveau système de rémunération « bat » l’ancien.

Actuellement, pour un investisseur de long terme, ce n’est pas le cas. Le problème est que les commissions de gestion n’ont pas tendance à reculer avec le temps. Les parts A des fonds imposent un droit d’entrée souvent élevé, puis avec le temps, une charge de 0,25% subsiste chaque année. Les parts B fonctionnent de manière similaire, avec des sommes importantes collectées les premières années, puis un effet de conversion en parts A et des frais de 0,25% annuellement. Cependant, les nouvelles commissions restent constantes, année après année.

Cela représente un coût significatif pour un investisseur de long terme. Selon l’approche traditionnelle, un investissement de 20.000 dollars dans un fonds (comme American Funds Investment Company of America AIVSX) coûte 5,75% de droits d’entrée et un coût additionnel de 0,25% par an au titre des commissions 12b-1. Sur 20 ans, cela fait 5,75% + (20 fois 0,25%) = 10,75% des commissions au total. A titre de comparaison, un conseiller qui selon le nouveau modèle facturerait une commission annuelle de 1% collecterait environ le double (20 fois 1% = 20%).

Le calcul n’est guère plus à l’avantage d’un gros investisseur, puisque les droits d’entrée d’une part A sur un investissement de 1 million de dollars ou plus disparaissent entièrement. Reste la commission 12b-1 de 0,25% chaque année. On lui proposera sans doute un discount pour des honoraires de conseil, mais le coût annuel récurrent sera sans doute au final supérieur à 0,25%.

On peut comprendre que les honoraires des conseillers financiers soient stables dans le temps. Les investisseurs ont tendance à se plaindre de devoir écrire des chèques et n’aiment pas être facturés par activité. Le système naturel de rémunération  pour un conseiller est donc de mettre en place des honoraires pour sa mission de conseil, tandis que les sociétés de gestion imposent des commissions liées aux actifs sous gestion qui ne bougent ni avec le temps ou l’activité.

Au final, les investisseurs de long terme, dont les portefeuilles bougent peu, subventionnent les investisseurs court-termistes et très actifs ou très exigeants. A l’évidence, les conseillers financiers méritent d’être rémunérés pour leurs services – mais le nouveau modèle de rémunération ne convient pas à un investisseur de long terme. L’approche de type part A était bien plus intéressante.

Attacher des commissions de vente aux fonds mutuels permet une plus grande transparence, une comparaison plus facile des frais et offre une meilleure expérience à l’investisseur. Les coûts sont connus et exposés dans le prospectus d’un fonds. Il est plus facile de comparer les coûts des fonds les uns avec les autres. En outre, en dehors des droits d’entrée, tous les investisseurs paient la même chose. Chercher à comparer des frais d’honoraires pour du conseil est presque mission impossible. Il n’existe pas de base de données sur le sujet, les services proposés peuvent grandement varier et les prix peuvent être négociés.

Le mode de rémunération du conseiller devrait évoluer pour se rapprocher du mode de rémunération du fonds mutuel : les frais seront élevés au début, pour justifier le coût de mise en place de la relation avec un nouveau client. Ensuite, elles évolueront avec l’activité. On pourrait penser que les services, le prix et les déclarations des sociétés de gestion se standardiseront avec le temps pour devenir la norme.

A l’évidence, il y a des avantages à sortir du système de commissions pratiqué par l’industrie de la gestion collective. Le principal est d’éliminer les conflits d’intérêt attachés aux rétro-commissions. Comme dans d’autres métiers, les conseillers financiers cherchent à atteindre un double objectif de satisfaire leurs clients et de préserver leur rentabilité. Choisir entre des fonds à commissions élevées ou basses peut placer les sociétés dans une situation compliquée de privilégier un objectif plutôt qu’un autre. Les conseillers financiers, bien sûr, n’aiment pas être placés dans ce type de situation et préfèrent l’échappatoire qu’offre le système des honoraires.

Les nouvelles règles de commissionnement facilitent la recherche de fonds. Les conseillers financiers, les investisseurs en direct et les institutions pourront accéder à l’offre complète de l’industrie, sans être restreints aux fonds construits avec une structure de coût spécifique. Ce processus est en place avec l’extension des différentes classes de fonds et la pratique d’imposer des commissions pour certains acheteurs, mais la situation s’améliorerait sans doute si l’on supprimait les commissions 12b-1.

Je ne conteste pas la suppression des commissions dans l’industrie de la gestion collective. Les avantages sont bien là. Mais des changements devront avoir lieu au sein du système d’honoraires pour les conseillers financiers avant que les investisseurs de long terme voient leurs intérêts mieux desservis.

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A propos de l'auteur

John Rekenthaler  is vice president of research for Morningstar.