Jason Stipp : Je suis Jason Stipp de Morningstar. Le rapport sur l’emploi a été publié pour le mois de juin. 195.000 emplois ont été créés, un chiffre meilleur qu’attendu par notre directeur de la recherche, Bob Johnson. Bob est avec nous au téléphone pour évoquer ce chiffre et comment il voit évoluer le marché de l’emploi aujourd’hui. Merci d’être avec nous Bob.
Bob Johnson : Ravi d’être en ligne.
Stipp : Les 195.000 emplois créés étaient plus nombreux que prévu. Vous tabliez sur 150.000. Quelle est votre impression sur ce chiffre ? Qu’est-ce qui dépasse vos attentes ?
Johnson : C’est un bon chiffre, tout d’abord, et je suis heureux d’avoir tort. J’étais un peu inquiet car juin est généralement un mois particulièrement faible dans l’année. L’une des raisons de cette bonne surprise est que j’anticipais l’effet de facteurs d’ajustement saisonniers, dont je prévoyais qu’ils pèseraient sur le résultat final, alors qu’ils ont eu un effet positif. Il y avait aussi de bonnes statistiques dans certains secteurs.
Stipp : Parlons de ces secteurs qui se sont bien comportés. Vous disiez qu’il y a de bonnes choses dans ce rapport sur l’emploi, et qu’il y a aussi de moins bonnes nouvelles.
Johnson : De loin, le secteur des loisirs et du divertissement, et en son sein, celui de la restauration, ont enregistré les meilleurs résultats. Et ce ne sont pas forcément les secteurs où l’on verse les meilleurs salaires. Mais il y a eu 53.000 créations d’emplois, soit le double du trend généralement observé. C’était la plus grosse surprise. La distribution a également créé 37.000 emplois, pas trop en-deçà de la tendance. Ce n’était donc pas un chiffre si remarquable.
Du côté des moins bonnes nouvelles, le secteur manufacturier est dans une situation moins favorable, alors qu’il comprend des emplois mieux payés, plus stables et de long terme. Il a détruit environ 6.000 emplois. Autre secteur à avoir souffert, la santé et l’éducation, avec une création de 20.000 emplois (dont -10.000 dans l’éducation). La mauvaise nouvelle est qu’environ moitié moins important que la tendance. Les niveaux de salaire sont un peu meilleurs, mais pas aussi bons que dans le secteur manufacturier.
Au regard du rapport sur le PIB [à +1,8% au 2è trimestre, NDLR], je suis toujours un peu inquiet lorsque les emplois dans le secteur de la santé ne se comportent pas bien, car cela signifie que le poids de ce secteur dans la création de richesse diminue.
Stipp : Le gouvernement a perdu des emplois le mois dernier - 5.000 au niveau fédéral et, je crois, 2.000 au niveau local. Quelle est votre vue sur ce sujet ?
Johnson : Les chiffres de l’emploi gouvernemental sont corrélés à ceux des dépenses gouvernementales. Malheureusement pour ce chiffre encore un peu modéré, cela ne va pas aider les chiffres d’activité du 2è trimestre, non plus. J’étais un peu surpris par la faiblesse de ces chiffres. Contrairement à ce que nous avions anticipé, l’effet du sequestre n’a pas été très prononcé.
La grosse surprise ce mois-ci est venue de la partie concernant le gouvernement local. Des fonds publics sont engagés mais ces dépenses financent le paiement des pensions plutôt que l’embauche de nouvelles personnes. Cela m’inquiète un peu.
La thèse défendue par certains est que le pire est passé et que l’administration publique va devenir de nouveau contributrice nette aux créations d’emplois. Je n’adhère pas à cette thèse.
Stipp : Outre le rapport de l’emploi de juin, il y avait aussi des révisions des rapports d’avril et mai. Sur 3 mois, nous avons eu 199.000 en avril, 195.000 en mai et 195.000 en juin. Sommes-nous à un point de rupture ?
Johnson : C’est un peu au-dessus de la tendance, mais il faut garder à l’esprit que nous avons eu des créations d’emplois de plus de 200.000 emplois, et même plus de 300.000 certains mois. Ce n’est donc pas une percée significative. En outre, c’est un chiffre qui est très volatil.
Comme je l’ai déjà évoqué par le passé, un chiffre entre 100.000 et 200.000 ne me surprendrait pas. Même si c’est une bonne nouvelle, elle n’est pas bouleversante. Encore une fois, compte tenu de la volatilité de ce chiffre, il faut être un peu prudent.
Stipp : Le taux de chômage est resté à 7,6%. Pourquoi est-ce que ce chiffre ne bouge pas, malgré les 195.000 créations d’emplois ?
Johnson : Ces deux chiffres renvoient à deux mesures différentes. La croissance de l’emploi est calculée sur la base d’enquêtes auprès des entreprises et de l’administration, en demandant combien de personnes ont été embauchées. Dans l’enquête auprès des ménages, on demande aux personnes interrogées si elles ont trouvé un emploi ou pas. Ce rapport a montré une moindre croissance de l’emploi. Environ 160.000 emplois ont été créés, et il y a eu un peu plus de nouveaux entrants sur le marché du travail – environ 170.000 personnes. C’est ce qui explique la stabilité du taux de chômage.
Au regard de ce que dit la Fed, leur attention est focalisée sur le taux de chômage. Au final, c’est donc une bonne nouvelle pour les tenants de la hausse des marchés, les investisseurs souhaitant plus d’assouplissement quantitatif.
Stipp : Une autre statistique importante, le salaire horaire moyen. Ce chiffre était plutôt bon.
Johnson : C’était l’une des bonnes surprises du rapport, et ce qu’il y a de clair à ce sujet c’est qu’il indique une bonne orientation du marché du travail et tendrait à indiquer que de meilleurs emplois sont créés, peut-être pas au cours du mois prochain, mais dans les mois à venir – donc une tendance qui s’améliore.
Le salaire horaire était en hausse de 0,4%, soit l’une de ses meilleures performances et il s’améliore dans des secteurs qui n’ont pas beaucoup contribué aux créations d’emplois. Cela semble indiquer certaines tensions, ce qui est plutôt une bonne chose.
Stipp : Bob, un rapport plutôt équilibré au final pour ce mois de juin. Merci pour votre analyse.
Johnson : Merci.
Stipp : Pour Morningstar, je suis Jason Stipp. Merci de nous avoir écoutés.