Hausse des rendements obligataires et leadership des marchés d’actions. Nous avons préalablement présenté le point de vue selon lequel les actions en tant que classe d’actifs pouvaient éventuellement cohabiter avec des rendements obligataires plus élevés suite au récent changement de politique de la Réserve Fédérale américaine, et ce tant que cette augmentation s’accompagnerait d’une croissance économique plus marquée.
Et qu’en est-il du leadership des marchés d’actions dans ce nouvel environnement de marché ? La hausse des rendements obligataires et une pentification de la courbe des taux sont traditionnellement interprétées comme un signal réclamant une rotation sectorielle des défensives en faveur des cycliques.
Néanmoins, il s’agit généralement d’une relation relativement vague qui peut prendre du temps et les gagnants et les perdants varient généralement d’un cycle à l’autre. Jusqu’ici, elle semble s’illustrer : depuis le plancher atteint par les rendements obligataires début mai, les cycliques ont légèrement surperformé les défensives, d’environ 3 % en Europe et de 4,4 % aux États-Unis, bien qu’elles aient cédé une partie de leur performance lors du dernier mouvement de volatilité induit par la tendance baissière.
La tâche peut sembler plus ardue au cours de ce cycle dans la mesure où les rendements élevés des dividendes et les stratégies de revenus constituent désormais une part importante du marché. Par ailleurs, les rendements des dividendes sont globalement plus élevés dans les secteurs défensifs que dans les secteurs cycliques. Le rendement des dividendes des cycliques sur le marché américain s’établit à environ 1,8 %, tandis qu’il est de 2,5 % pour les défensives, même si l’écart se réduit. En Europe, les cycliques affichent actuellement un rendement d’environ 2,6 %, contre 3,6 % pour les défensives. Et même s’ils se sont récemment inscrits en hausse, sur la plupart des marchés les rendements des obligations gouvernementales sont nettement inférieurs aux rendements des dividendes sur l’ensemble du marché, en laissant de côté ceux des secteurs défensifs (et en ignorant ici les rachats).
L’offre de titres à haut rendement pourrait donc diminuer, mais peut-être pas complètement, et cela pourrait freiner la surperformance cyclique. Autre problème : la situation du secteur des ressources naturelles, habituellement en faveur des cycliques. Bien que le secteur ne représente que 2 % de la capitalisation boursière des cycliques aux États-Unis, et 8 % en Europe, si un reliquat du « super cycle » des matières premières empêche sa performance de progresser, c’est la performance de l’ensemble du secteur des cycliques qui peut se voir pénalisée.
Les titres de haute qualité, qui présentent un ROE élevé et une faible variabilité des résultats, ont été l’un des styles les plus recherchés sur les marchés d’actions ces dernières années. Depuis le début 2007, les titres de haute qualité, tels que définis par MSCI, ont surperformé le marché au sens large d’environ 20 % aux États-Unis et de rien moins que 46 % en Europe. La situation est très similaire du côté des styles plus traditionnels de valeur et de croissance. Ainsi sur la même période, les titres de croissance ont surperformé les titres de valeur d’environ un tiers aux États-Unis et de plus de 50 % en Europe.
Dans les deux cas, cette performance s’explique vraisemblablement dans une large mesure par la chute des rendements obligataires dans le sillage de la crise financière mondiale. Et dans les deux cas, la performance tendancielle s’est brutalement stoppée au cours de l’été 2012, dérapant depuis en Europe et commençant à s’inverser aux États-Unis, anticipant facilement le mouvement récent des rendements obligataires. Le marché d’actions peut générer de la décote avec une efficacité remarquable !
Sans en préciser pour l’instant le calendrier, nous pouvons néanmoins supposer qu’une tendance générale à l’augmentation des rendements obligataires dans les prochaines années inversera ces tendances d’investissement de longue date (ainsi que d’autres probablement).