Dan Culloton: Bonjour, je suis Dan Culloton, directeur associé de la recherche sur les fonds de Morningstar. Je suis aujourd'hui avec John Osterweis, d'Osterweis Fund. John, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
John Osterweis: Ravi d'être là.
Dan Culloton: John, dans un de vos récents commentaires vous indiquiez que la hausse des taux d'intérêt n'est pas forcément un problème pour les cours de Bourse. Est-ce toujours le cas après ce qui s'est passé au mois de mai?
John Osterweis: Je le crois toujours. Ce qui s'est passé en mai était une réaction épidermique à certains commentaires de la Fed indiquant qu'à partir d'un certain moment, leurs actions ultra-accommodantes allaient commencer à reculer. Et le marché a vendu avant de rebondir depuis.
Nous pensons néanmoins que les taux d'intérêt sont artificiellement bas depuis un bon moment à cause de la politique de la Fed et que le marché n'a pas complètement réagi au niveau des taux d'intérêt, si bien que si vous valorisez le marché sur la base d'une actualisation des dividendes [Dividend Discount Model, ou DDM, NDLR], vous devriez avoir un ratio cours sur bénéfice entre 25 et 50x, alors que ce dernier se traite actuellement à environ 16x les résultats. A notre avis, le marché valorise les actions sur un niveau plus normalisé de taux d'intérêt, pas sur leur niveau actuel, si bien que la hausse des taux d'intérêt ne devrait pas trop pénaliser les actions.
Ensuite, vous devez vous demander pourquoi les taux d'intérêt montent: est-ce parce que l'inflation remonte, ce qui ne nous semble pas probable à présent, ou est-ce parce que l'économie elle-même se redresse et que le niveau du chômage atteint les objectifs de la Fed, si bien que la banque centrale croit que l'économie est sur une phase de reprise durable qui résistera au retrait de sa politique très accommodante.
Si c'est le cas, si l'économie se redresse, les profits des entreprises devraient augmenter, et une légère hausse des taux ne devrait pas provoquer de chute de la Bourse, car une chose est sûre: la Fed n'a aucun intérêt à déclencher une récession actuellement. Les marchés chutent généralement en anticipation d'une récession, qui n'est pas sur le point d'arriver, en partie à cause de l'action de la Fed. Je pense que d'autres éléments pourraient conduire à une récession, mais ce n'est pas le retrait des mesures non-conventionnelles.
Dan Culloton: Vous pensez donc que les ramifications liées à une hausse des taux d'intérêt sont déjà intégrées dans les cours de Bourse?
John Osterweis: En effet.
Dan Culloton: Vous avez évoqué l'état des profits des entreprises. Les marges sont à des niveaux historiquement élevés. Elles ne peuvent durablement rester à de tels niveaux. Pensez-vous qu'il peut y avoir une sorte de retour à la moyenne à ce niveau?
John Osterweis: Cela pourrait arriver à un certain moment, mais la question est, à quel moment et est-ce que ce retour à la moyenne est imminent? Je ne le pense pas pour deux raisons: tout d'abord, il n'y a pas d'inflation sur les prix des matières premières - en raison du ralentissement en Europe, en Chine et de la croissance molle ici - donc peu de pressions sur les cours. Ensuite, l'autre sujet d'inquiétude est l'évolution des salaires, et compte tenu du niveau de taux de chômage élevé, il n'y a pas non plus de pression sur ce sujet. Je ne vois donc pas les coûts de production augmenter plus vite que les prix, ce qui provoquerait une baisse des marges. Je pense que les marges devraient rester élevées un certain moment.
Dan Culloton: Avant de se quitter, quel est le plus gros risque que doivent affronter les investisseurs aujourd'hui sur les marchés?
John Osterweis: Le plus évident à mon avis est dans l'univers des produits de taux, en particulier avec la perspective d'une hausse des taux d'intérêt. Cela se fera par acoups, mais si vous êtes du mauvais côté des produits de taux, vous vous exposez à des pertes significatives.
Du côté des marchés actions, j'ai une vue plus constructive si l'on se place sur un horizon de 10 ans. Les plus gros risques sont liés à l'état des finances publiques et si l'on sera en mesure de ramener les comptes publics à l'équilibre - et si cela peut se passer en douceur.
Dan Culloton: Un autre sujet de discussion.
John Osterweis: Et plutôt long.
Dan Culloton: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous parler, John.
John Osterweis: Dan, c'était avec plaisir. Merci.
Dan Culloton: Merci.