Le projet de réunion entre les deux géants de la pub repose sur une logique industrielle forte, selon les courtiers.
Les fusions géantes sont souvent risquées. On considère même qu’une sur deux échouerait. Cela n’a pourtant pas empêché l’annonce d’un projet de fusion entre Publicis et Omnicom.
Un intérêt clair pour Omnicom
La raison d’un tel rapprochement se comprend surtout du point de vue d’Omnicom : contrairement à Publicis ou WPP, le géant américain a moins investi dans le numérique ou sur les marchés émergents, et n’a pas engagé de travail d’optimisation sur ses marges.
« Nous pensons que Publicis peut aider Omnicom à augmenter ses marges de 300 points de base en 5 ans, écrivent les analystes d’Exane BNP Paribas dans une note à leurs clients. Cela signifie réduire de moitié l’écart de marge entre les deux entreprises, en prenant appui sur les domaines d’amélioration des marges de Publicis dans les émergents, le numérique, l’off-shore, les services partagés ou l’implantation d’un ERP. »
Economies d’échelle et doublons
Tous les courtiers soulignent l’impérieuse nécessité pour les agences de pub de se muscler face à l’émergence d’acteurs incontournables comme Google, Facebook ou Twitter.
En se rapprochant, les deux groupes acquerront une taille critique dans l’achat d’espace médias aux Etats-Unis, passant devant WPP, jusqu’ici leader mondial du domaine. Citi voit dans l’opération le moyen de regagner un pouvoir de négociation sur les prix face aux annonceurs. Pour Natixis Securities, « le principal rationnel de ce rapprochement est la recherche d’une taille plus importante … mais aussi dans le domaine de l’achat d’espaces, qui constitue, selon nous, le métier le plus à risque dans ce nouvel environnement. »
Le montant des synergies annoncé dimanche - 500 millions de dollars (377 millions d’euros) – est considéré comme crédible. Les profils des deux groupes sont relativement similaires en termes d’exposition géographique, même si Publicis a investi de manière plus significative qu’Omnicom dans les pays émergents ainsi que dans le numérique.
Choisir entre Pepsi ou Coca
Les analystes sont moins consensuels sur les risques d’une telle opération. A court terme, JPMorgan identifie 3 risques : des pertes de talents, des conflits d’intérêt avec les clients et l’obligation de céder des actifs imposée par les autorités de la concurrence.
Morgan Stanley a dressé une liste de comptes significatifs – parmi lesquels Bayer, Diageo, HP, Johnson & Johnson, Mars ou McDonald’s – qui pourraient décider d’annuler certains budgets, ou pour lesquels les deux groupes « devront travailler dur pour convaincre le client de continuer à travailler avec Publicis Omnicom Group. » Le cas le plus emblématique est la gestion de la relation avec PepsiCo (géré par Omnicom) et Coca-Cola (suivi par Publicis).
Les autres risques mis en avant sont d’ordre culturel, même si certains brokers soulignent que Publicis a fait preuve d’un certain savoir-faire en matière d’intégration de sociétés rachetées.
Une opération très relutive… dans cinq ans
L’autre intérêt d’une fusion est d’ordre financier. Si les synergies promises sont obtenues et que l’intégration se déroule sans trop d’accroc, l’effet relutif sur les résultats pourrait être significatif à moyen terme. Bank of America Merrill Lynch estime la relution à 11% sur 5 ans. Le courtier estime que la fusion pourrait apporter 8 euros par action Publicis, l’amenant à relever son avis sur le titre.
Lundi, cette annonce profite surtout aux concurrents des deux groupes, Havas et WPP. La cotation de Publicis a été décalée à 15H30 pour coïncider avec l’ouverture du NYSE, où Omnicom est coté.