La macro s'améliore
Au moment où la majorité des européens s’apprêtent à prendre la route des plages, certains indicateurs témoignent du fait que l’économie de la zone euro émerge enfin de six trimestres de récession. Plus concrètement, les indices PMI ont enfin retrouvé en juillet un niveau supérieur ou proche du seuil de 50, actant ainsi un retour en territoire positif de la croissance du PIB. L’Allemagne ouvre la voie avec un indice PMI composite de 52,8, mais le PMI de la France (48,8) et celui des états périphériques ont également terminé le mois très proches du seuil décisif de 50, alors que dans le même temps les indicateurs avancés annoncent une poursuite de cette modeste accélération au cours du T2 2013.
La reprise a été favorisée par l’assouplissement des conditions monétaires dans le sillage de l’intervention de Mario Draghi “whatever it takes” (“quoi qu’il en coûte”) et par la présentation du programme OMT (programme de rachat illimité de titres souverains) de la Banque Centrale Européenne. Celui-ci a éloigné le risque d’éclatement de la zone euro et restauré la confiance, tant sur les marchés financiers que dans l’économie réelle. Une restauration progressive de la compétitivité et l’allègement de l’austérité dans les Etats périphériques ont également joué un rôle.
Pour éviter tout enthousiasme intempestif, il convient de préciser qu’un retour à des taux de croissance élevés est très improbable. La croissance devrait rester léthargique, au moins le temps que les problèmes structurels des ménages et des bilans bancaires soient résolus. Les derniers chiffres publiés par la BCE sont révélateurs des problèmes qui subsistent dans le système financier, notamment de la faiblesse persistante de l’offre monétaire et de l’activité de prêts des banques. Une lueur d’espoir est cependant palpable dans la mesure où l’enquête sur la distribution du crédit bancaire montre que le mouvement de durcissement des conditions de prêt qui a prévalu pendant des années a pris fin et que l’on assiste au retour d’une demande de crédit au moins neutre.
Positif pour les actions
Si le rythme de la croissance à venir sera modeste, le retour à des chiffres de croissance positifs devrait stimuler la performance des actions européennes au cours des trimestres à venir. Cette évolution devrait constituer un défi pour les défenseurs d’opinions baissières sur l’Europe, et pourrait inciter de nombreux investisseurs à abandonner la sous-pondération de longue date de leurs positions sur les actions européennes.
A elle seule, l’ampleur de la sous-performance des actions européennes au cours des six dernières années rend évident leur potentiel de rattrapage. C’est peut-être encore plus net par rapport aux Etats-Unis, pays dans lequel les écarts de performance et de valorisation sont les plus élevés : depuis le début de 2007 l’indice MSCI Europe ex UK a sous-performé de près de 26% par rapport à l’indice MSCI ACWI, et de 40% par rapport à l’indice MSCI USA.
Un certain nombre de désaccords existent entre les commentateurs sur le niveau de valorisation des actions européennes induit par cette longue période de faible performance, divers instruments de mesure émettant actuellement des messages contradictoires.
Débat sur la valorisation
Mais c’est simplement dû au fait que les bénéfices européens ont souffert pendant la récession et restent à des niveaux faibles, pénalisant ainsi les instruments de mesure de la valorisation basés sur les bénéfices actuels.
Ainsi, avec un PER tendanciel actuel de 15,8x, l’Europe hors Royaume-Uni ne paraît pas particulièrement bon marché comparativement aux Etats-Unis à 16,6x. Mais l’utilisation d’un PER corrigé des variations conjoncturelles prenant pour base une moyenne mobile des bénéfices sur 10 ans (ratio connu également sous le nom de CAPE ou ratio P/E de Shiller) décrit une toute autre histoire : sur cette base, le PER pour l’Europe hors Royaume-Uni ressort à 14,9x, soit un chiffre inférieur de près de 37% à sa moyenne sur 30 ans de 23,6 (historique aussi long que l’existence des statistiques du MSCI).
A titre de comparaison, les Etats-Unis présentent un CAPE de 22,9, inférieur d’environ 7 % à leur moyenne sur 30 ans de 24,7. Eviter complètement le problème des bénéfices en utilisant les ratios cours/valeur comptable donne des résultats similaires : les actions Europe hors Royaume-Uni se négocient à un niveau inférieur de près de 30 % à leur moyenne sur 25 ans, alors que les actions américaines (US) sont en retrait de 15 % par rapport à leur moyenne historique.
Même les valorisations sur basées sur le PER simple devraient s’améliorer dans la mesure où les bénéfices en Europe hors Royaume-Uni commencent à s’améliorer de concert avec l’économie mondiale. L’Europe hors Royaume-Uni devrait faire apparaître en 2014 la meilleure dynamique bénéficiaire de toutes les zones géographiques importantes, le consensus tablant sur une croissance du BPA de 14% en 2014, contre une hausse de 1% cette année.
Aux Etats-Unis cependant, une croissance des bénéfices de 10% en 2014 représentera une accélération plus modeste par rapport aux 7,5% réalisés cette année (bien qu’il faille admettre que ces chiffres pourraient s’avérer particulièrement prudents). Le Japon devrait afficher un momentum négatif en 2014 après la hausse massive des bénéfices de cette année, alors que celui des actions des marchés émergents devrait être stable.
Politiques accommodantes
Un autre élément positif pour les actions européennes devrait résider dans les trajectoires relatives des politiques monétaires. Le système financier restant perturbé, ceci devrait se traduire également par la poursuite d’une politique accommodante par la BCE et peut-être même par une accentuation de l’assouplissement monétaire.
Le contraste est particulièrement marqué avec les Etats-Unis où la politique monétaire évolue désormais lentement vers un positionnement moins accommodant. Si cette situation provoquait un affaiblissement de l’euro, on devrait assister à une nouvelle progression des bénéfices européens.
Enfin, renforcer son exposition aux valeurs européennes pourrait tout simplement s’avérer la voie la moins risquée pour ajouter un bêta économique aux portefeuilles afin de contrer le retournement cyclique mondial, plutôt qu’une surpondération sur les marchés actions émergents.
Au risque d’en surprendre certains, au cours de ces dernières années, le bêta régional des actions de l’Europe hors Royaume-Uni par rapport aux actions mondiales a été peu différent de celui des actions des marchés émergents.
Des risques demeurent
Naturellement, l’inventaire de ce qui pourrait mal tourner en Europe reste particulièrement fourni, avec notamment en tête de liste l’effondrement politique d’un pays périphérique ou de nouveaux problèmes au sein du système bancaire. Jusqu’à présent cependant, les gouvernements européens ont réussi à éviter le pire et le recul de l’austérité va de pair avec celui des risques politiques. Malgré un nombre important de récents bouleversements et scandales politiques dans la périphérie de la zone euro, les marchés obligataires sont demeurés étrangement calmes.
Grâce à la confiance des marchés en Mario Draghi, il faudrait désormais un évènement politique majeur pour remettre en selle les défenseurs des obligations. Plus prosaïquement, les exportations européennes pourraient souffrir de la faiblesse de la demande des économies émergentes (de la Chine en particulier) si la croissance dans ces pays devait ralentir de façon spectaculaire.
Bien qu’il s’agisse d’un risque réel, la reprise de l’économie américaine (US) devrait la compenser en partie. Pour remettre ces éléments en perspective, on peut rappeler que la Chine représentait un peu plus de 6 % des exportations allemandes en 2012, contre 8 % environ pour les Etats-Unis.
Dans l’ensemble, la stratégie misant sur une surperformance des actions européennes qui débuterait au cours du second semestre de cette année se présente favorablement.
Quant à déterminer s’il s’agira davantage qu’une simple opération de rattrapage, cela dépendra dans une large mesure du rythme des nouvelles réformes de la zone euro au cours des années qui viennent.
Ce texte a été rédigé par Patrick Schöwitz, stratégiste chez J.P.Morgan Asset Management. Les intertitres ont été rajoutés par la rédaction de Morningstar France.