Don Phillips, directeur mondial de la recherche sur les fonds de Morningstar, a récemment évoqué ce sujet au regard du débat entre gestion passive et active, soulignant que les extrémistes de tous bords ignorent les données factuelles lorsqu’elles n’appuient pas leur argumentaire.
Revenu et rendement total : pas si différent que l’on peut penser
Récemment, le même type de dogmatisme a envahi un autre espace de l’investissement : un gérant de portefeuille doit-il viser la production de revenu (ou de rendement) ou viser à la fois le rendement et l’appréciation du capital (ce que l’on appelle le « rendement total »).
Ces réactions épidermiques peuvent faire perdre de vue le fait que ces deux approches ne sont pas le moins du monde antagonistes. Les débats sémantiques peuvent faire parfois perdre de vue le sujet dans son intégralité.
Pour commencer, personne ne dit que la génération de revenu ne devrait pas être l’objectif de tout investisseur ; c’est, après tout, l’une des deux composantes du rendement total (à côté de l’appréciation de la valeur du portefeuille). Avoir une approche orientée vers le « rendement total » ne signifie pas qu’il faut détenir exclusivement des titres ayant un potentiel d’appréciation important.
Les titres offrant un rendement régulier – qu’il s’agisse d’obligations ou d’actions – devraient constituer une part importante d’un portefeuille. Ils devraient même croître en pourcentage au sein d’un portefeuille avec l’âge de l’investisseur. Se focaliser sur les titres pouvant verser un revenu améliore la qualité du portefeuille, puisque la production de revenu est indispensable à subvenir aux besoins financiers d’un individu. D’un point de vue pratique, ce revenu régulier peut également servir d’amortisseur lorsque le marché corrige.
Le but des investisseurs ayant un objectif de revenu est de les aider à financer leurs dépenses courantes sans toucher au capital investi. A l’inverse, les investisseurs visant un rendement total n’hésitent pas à puiser dans leur capital puisqu’ils n’ont pas à financer leurs dépenses courantes.
Cela étant, l’objectif des stratégies de « rendement total » est d’accroître la valeur totale du portefeuille en diversifiant les investissements. Au fond, l’objet de cette discussion porte plus sur la manière d’extraire du capital de son portefeuille plutôt que l’analyse d’une opposition idéologique. L’objectif de tous les investisseurs est bien de faire croître et de maintenir leur portefeuille – sans biais idéologique.
Le meilleur des deux mondes
Finalement, je pense que la meilleure réponse pour les investisseurs est d’évaluer le potentiel de génération de revenu des titres qu’ils envisagent d’acquérir dans une optique de rendement total.
Mixer les deux approches leur permet de tirer parti de titres offrant un rendement sans sacrifier la diversification de leur portefeuille.
Adopter une approche « rendement total » offre des avantages pour les investisseurs qui ne visent que l’obtention d’un rendement. Un point important est la possibilité de diversifier son risque dans un plus grand nombre de titres que si l’investisseur se focalisait uniquement sur une approche de production d’un revenu régulier.
Les obligations de grande qualité et le cash sont un exemple d’actualité. Il est difficile de prétendre que le rendement offert par ces classes d’actifs est attrayant, en particulier sur fond de hausse des taux d’intérêt longs. Mais comme la période de stress sur les marchés financiers au second semestre 2011 l’a illustré, ces titres peuvent apporter une stabilité appréciable lorsque les actions – y compris celles à fort dividende – sont fortement chahutées. Il en va de même pour les petites valeurs ou les valeurs de croissance. Nombres d’entre elles ne paient pas de dividende, mais elles peuvent néanmoins avoir un effet de lissage sur les performances d’un portefeuille composé essentiellement de grandes valeurs payant un fort dividende.
Avoir une approche duale combinant titres à rendement élevé et rendement total offre d’autres avantages. L’un porte sur la question fiscale : se focaliser sur le rendement total peut aider à déterminer quand percevoir ses revenus ou d’où il provient. Un investisseur ayant une démarche de rendement total pourrait envisager de maintenir ses investissements générateurs de dividendes dans un compte défiscalisé (PEA) tout en affectant les titres ne payant de dividende à la partie taxable de son portefeuille.
L’autre intérêt de cette approche réside dans la faculté pour l’investisseur de déterminer quels actifs vont être utilisés pour financer ses besoins. Un retraité pourrait ainsi dédier la portion de son portefeuille qui produit un revenu régulier en utilisant des titres à dividende élevé ou des obligations.
Au final, il est important de ne pas tomber dans les débats académiques et de penser qu’il faut choisir entre revenu et rendement total. Lorsque l’enjeu porte sur la génération d’un revenu, la meilleure réponse est de regarder les deux aspects.