Comment analysez-vous la décision de la Fed de ne pas réduire tout de suite ses achats d’actifs ?
« C’est selon nous une erreur. Cela entame la lisibilité de l’action de la Fed et risque d’accroître la volatilité des marchés. Je pense que cette décision s’explique en partie par la remontée rapide des taux hypothécaires aux Etats-Unis, laquelle pourrait peser sur la reprise du marché immobilier.
On remarque pourtant que la décision de la Fed a pentifié la courbe des taux sans faire baisser le niveau du 30 ans. C’est le signe d’un début de perte de crédibilité de la banque centrale, car dans le même temps, les anticipations d’inflation ont augmenté.
La Fed se retrouve dans une situation peu confortable. La normalisation de sa politique doit se poursuivre, car avoir des taux courts proches de 0% quand la croissance nominale du PIB se situe vers 4%-4,5%, cela n’est pas très sain. »
Quelle allocation recommandez-vous dans l’environnement actuel ?
« Dans l’univers des taux, nous recommandons de ne pas détenir d’obligations d’Etats « core » (Etats-Unis, Europe). Le krach obligataire tant craint par les investisseurs a déjà eu lieu avec un doublement du rendement du 10 ans américain et une baisse de 12 points pour le T-notes, ce qui est quand même significatif et offre une pente de la courbe qui va freiner la poursuite de la remontée des taux. Néanmoins, celle-ci va se poursuivre.
Au sein du crédit, nous pensons que les investisseurs sont bien rémunérés pour le risque de défaut. Mais vu l’étroitesse des spreads, le rendement ne suffira pas à compenser la remontée des taux. La performance est à aller chercher du côté du high yield, mais il faut faire attention au risque de liquidité sur ce marché.
Dans l’univers des actions, la Bourse américaine est à son prix. Elle a suivi le momentum d’amélioration de l’économie, et n’est pas particulièrement attrayante à court terme. En revanche, à moyen terme, c’est une classe d’actifs à considérer en incluant l’investissement en dollars.
Les actions européennes offrent le plus de potentiel de hausse. Les révisions en hausse d’estimations de résultats commencent à être plus nombreuses que les révisions à la baisse. Le redressement, même faible, de la croissance économique produira une hausse significative des profits en 2014. En outre, les flux reviennent, les investisseurs procédant à des arbitrages en faveur des actions et au détriment des obligations au sein de la zone euro et repondérant les actions européennes au sein des portefeuilles internationaux.
Sur le Japon, nous accordons le bénéfice du doute. La politique de « l’abenomics » semble fonctionner, mais il faut faire attention à la corrélation le Nikkei et l’évolution de la parité yen-dollar. Lorsque la baisse du yen versus dollar est trop largement anticipée, il y a retracement de l’indice boursier japonais. »
La correction des émergents offre-t-elle une opportunité d’investissement ?
« La stabilisation de l’activité en Chine est une bonne nouvelle et nous pensons qu’il faut commencer à revenir sur ce pays. Pour le reste, il faut distinguer les pays qui souffrent d’un double déficit (public et balance des paiements) - ce qui est le cas de pays comme l’Indonésie, la Turquie ou l’Inde – des pays qui présentent une situation macro-économique meilleure, comme la Corée du Sud.
On a beaucoup relié la correction des Bourses émergentes aux annonces de la Fed en mai dernier. Mais la Fed n’a fait que mettre en lumière une situation qui se détériorait depuis 15 mois, avec des indicateurs économiques qui faiblissaient alors qu’au même moment ceux des pays développés s’amélioraient. Une des raisons est que le relais des exportations ne fonctionne pas cette fois-ci – la croissance américaine est plus faible, et surtout, elle est autocentrée. La révolution énergétique dans le pays a provoqué un mouvement de réinternalisation de certaines activités et c’est une reprise tirée par l’immobilier et les services. En conséquence, la reprise américaine bénéficie aux entreprises américaines mais ne profite pas aux marchés émergents.
La Fed a accéléré le mouvement de correction en entraînant d’importants mouvements de flux de capitaux. Nous avions d’ailleurs recommandé aux investisseurs de sortir des actifs émergents dès le mois d’avril dernier.
La sous-performance des bourses émergentes versus pays développées a commencé dès 2011, notamment parce que l’écart de croissance économique avec les pays développés ne se traduit pas dans un écart au niveau des résultats des entreprises. »