Cet article fait partie de la série "Perspectives", écrite par des tierces parties. Ici, Neill Nuttall & Patrik Schöwitz de J.P.Morgan Asset Management font le compte-rendu de leur réunion du "quadrimestre" et en tirent les conclusions
Dans la perspective du 4ème trimestre et de l’année 2014, l’économie mondiale évolue selon nous dans un environnement “reflationniste” marqué par une amélioration de la croissance mondiale et une inflation qui reste modérée.
Dans notre cadre d’investissement, le terme “reflationniste” qualifie l’environnement le plus positif pour les actifs risqués, à la fois dans une perspective de performance absolue et ajustée au risque. La politique monétaire devrait rester accommodante même lorsque la Fed aura commencé à réduire progressivement ses rachats d’actifs mensuels.
Quant à l’austérité budgétaire, elle commence à se relâcher (si l’on excepte les problèmes du plafond de la dette aux Etats-Unis et la hausse prévue de la taxe sur la consommation au Japon). Les actions ont bien performé cette année, en particulier par rapport aux obligations, et cette tendance pourrait se poursuivre au dernier trimestre et en 2014.
En termes de classes d’actifs, un environnement reflationniste favorise le crédit par rapport aux obligations d’Etat. Sur ce cycle, nous restons positifs sur le haut rendement, neutres sur le crédit “investment grade” et courts en termes de duration.
Pour les actions, un tel environnement favorise habituellement les marchés plus cycliques : l’Europe, le Japon et les marchés émergents (EM). Nous estimons cependant que des circonstances particulières caractérisent ce cycle, qui suggèrent des perspectives moins positives pour les marchés émergents si l’on se place dans une perspective historique, avec des opportunités risques/performances plus attractives ailleurs.
Perspectives macro-économiques
Notre indicateur avancé interne de la croissance mondiale a accéléré après le ralentissement du 1er semestre (en partie lié à la “falaise budgétaire” et aux coupes automatiques de dépenses aux Etats-Unis ainsi que par la décélération de l’activité en Chine).
Les indicateurs avancés d’inflation suggèrent un ralentissement dans les mois à venir sur les marchés développés, même si l’inflation devrait rester plus élevée sur les marchés émergents. Parallèlement au caractère positif du contexte politique mentionné plus haut, les conditions de crédit devraient rester favorables à la croissance et les conditions externes devraient s’améliorer (sur le plan réel si ce n’est financier).
Cependant, la reprise reste modeste dans une perspective historique. Un écueil se profile à l’horizon : le risque de divergence de la performance économique, avec un dynamisme supérieur aux Etats-Unis mais des difficultés de désendettement partout ailleurs.
Perspectives bénéficiaires
Nous estimons avoir atteint un point d’inflexion en matière de bénéfices. Les prévisions de croissance ont continué de reculer et, dans les marchés développés, nous estimons avoir atteint des niveaux auxquels des surprises à la hausse sont possibles, plus particulièrement aux Etats-Unis et en Europe.
Les marges ne devraient pas subir de menace immédiate – elles se situent à des niveaux élevés aux Etats-Unis, mais les facteurs de cette évolution (hausse des profits réalisés à l’étranger, recul structurel des salaires par rapport au chiffre d’affaires, faiblesse des amortissements et des taux d’intérêt) ne sont pas susceptibles à court terme de revenir à leur moyenne.
Actions des marchés développés
Nous surpondérons les Etats-Unis depuis de nombreux trimestres et restons sur la même ligne. Malgré quelques inquiétudes sur les négociations budgétaires à Washington, nous restons optimistes : l’hypothèse d’un consensus semble avoir été sous-estimée. La croissance des bénéfices et la réaccélération du dynamisme de l’économie suggèrent la poursuite d’une solide performance des actions américaines.
En Europe, la résurgence des inquiétudes sur la politique italienne, la probabilité d’une dégradation de la note du Portugal et le prochain passage en revue de la qualité des actifs des banques par la BCE soulignent que les problèmes structurels ne sont pas résolus.
Le cycle est cependant positif : les indicateurs économiques s’améliorent, la confiance des entreprises et des ménages se renforce, les soldes primaires sont solides chez les pays coeur de la zone et dans les Etats périphériques, les ratios balances courantes/PIB sont tous positifs.
Cette évolution s’accompagne de solides bilans des entreprises et de valorisations attractives des actions – le ratio PER corrigé des variations conjoncturelles est supérieur à un écart-type.
Au Japon, des signes témoignent de la fin de la période de déflation, d’une poursuite de la croissance des bénéfices et de l’enclenchement d’un cycle d’enrichissement pour la première fois depuis 25 ans, favorisé par la hausse des prix des terrains. Nous sommes surpondérés sur les actions américaines (US), européennes et japonaises.
Marchés émergents
Traditionnellement, il est opportun d’investir dans les actions émergentes quand elles sont bon marché et que la croissance mondiale s’accélère. La croissance mondiale étant bien orientée, comme indiqué ci-dessus, et les actions émergentes présentant désormais un PER inférieur à 10 et un PB inférieur à 1,5, l’époque actuelle pourrait sembler propice à un renforcement de l’exposition aux marchés émergents.
Nous restons toutefois prudents. Si la croissance mondiale s’améliore, cette reprise reste faible comparée à ses précédents historiques et nous estimons peu probable qu’en 2014 le rythme de la croissance soit suffisant pour surmonter les difficultés cycliques des marchés émergents.
De plus, si les indices actions des marchés émergents paraissent bon marché, cette situation masque une forte dispersion : seuls 4 des 15 marchés les plus importants affichent un PER inférieur à 10, alors que seulement cinq affichent un PB inférieur à 1,5.
Les actions développées sont également bon marché : notre indice composite de valorisation suggère que les actions émergentes n’ont fait que retrouver leur moyenne de long terme par rapport aux marchés développés et nous ne pensons pas que ce niveau soit suffisamment attractif pour justifier une surpondération à ce stade.
Pour ce qui concerne les bénéfices, les révisions à la baisse affectant les marchés émergents ne semblent pas être arrivées à terme, par contraste avec la situation qui prévaut sur les marchés développés.
Au cours des cinq dernières années, la dépression constatée sur les marchés développés suggère que les marchés émergents se sont appuyés de plus en plus nettement sur leur demande intérieure, favorisée par un rythme inquiétant d’expansion du crédit.
L’inflation dans le monde émergent apparaît comme une source de difficulté persistante et suggère que la politique monétaire va se retrouver sous contrainte.
Les marchés émergents ont été les principaux bénéficiaires du QE (programme d’assouplissement quantitatif) et des flux de capitaux qui ont résulté des déséquilibres mondiaux : 3.900 millliards USD se sont investis dans les actions et la dette émergentes depuis la crise financière mondiale. Des signes de tension apparaissent : des taux d’intérêt réels négatifs, une contraction des écarts de production et, plus évidente encore, une détérioration des balances courantes.
Nous insistons sur le fait que ces difficultés sont de nature cyclique et nous n’adhérons pas à la thèse selon laquelle les marchés émergents sont confrontés à des problèmes structurels majeurs. Cependant, notre conclusion est qu’à l’inverse d’un cycle de reflation typique, il existe de meilleures opportunités risque/rendement.