Cet article fait partie de la série "Perspectives", écrite par des tierces parties. Ici, David Shairpe de J.P.Morgan Asset Management partage ses vues sur le Royaume-Uni et la Chine.
Royaume-Uni
R.-U. – marché attractif, mais âmes sensibles s’abstenir. Il y a deux mois, nous avons révisé à la hausse notre évaluation du marché britannique des actions. Les vraies questions sont : Quand la reprise va-t-elle vraiment se matérialiser ? Et quand faudra-t-il inverser les curseurs de la politique monétaire ? La mise en place d’un cycle de hausse des prix des actifs, en particulier des prix des logements, est essentielle pour que la politique monétaire donne de bons résultats.
Le marché britannique du logement s’est redressé et les prix ont augmenté de 6,7 % sur six mois (en rythme annualisé) – ou de 4,9 % en glissement annuel. Ainsi, certains ont craint que le Royaume-Uni ne connaisse une « bulle immobilière » avec la peur d’un possible éclatement de celle-ci. Pourtant, les prix des logements ont évolué de façon diverse selon les régions dans le pays et pour remettre ces variations en perspective, rappelons que les prix immobiliers ont augmenté de 11 % en termes nominaux par rapport à leur plus bas d’avril 2009 mais qu’ils n’ont progressé que de 2 % en termes réels. Il faudrait une hausse plus conséquente pour justifier les inquiétudes des décideurs.
Un nouveau développement semble effectivement en cours – le redémarrage du cycle du crédit. Notre indicateur exclusif des conditions de crédit est récemment redevenu positif pour la première fois depuis mars 2009. La reprise du marché immobilier a entraîné une augmentation significative des demandes de crédits, laquelle a été dynamisée par le programme d’aide à l’achat (« Help to Buy ») des pouvoirs publics lancé en juillet. Le volume des attributions de prêts hypothécaires a augmenté de 26 % (a/a) en août, et en valeur, les nouveaux prêts hypothécaires ont progressé de 22 % (a/a).
Parallèlement, le rythme de l’économie britannique s’accélère rapidement, comme en atteste la flambée de notre indicateur exclusif de l’activité – qui prend en compte des indicateurs de la production, du logement et de la consommation. Les indices PMI ont atteint des records pluriannuels alors que la confiance des consommateurs, telle qu’évaluée par GfK, a progressé de -13 en août à -10 en septembre, son plus haut niveau depuis 2007.
Tout cela pose problème à la Banque d’Angleterre qui a fondé sa politique de relance sur une stratégie d’orientation prospective afin de gérer les anticipations du marché. Aujourd’hui, la politique d’orientation prospective vise à atteindre un seuil de chômage de 7 %, sous réserve de trois clauses d’exception (liées à l’inflation, aux prévisions d’inflation et à la stabilité financière). Les prévisions de la Banque tablent sur un retour du chômage à 7 % à la mi-2016, ce qui implique le maintien de ses mesures de relance jusqu’à ce moment là.
Mais compte tenu de la trajectoire de la reprise de l’activité, il y a là quelque chose d’un peu embarrassant pour la stratégie de communication de la Banque d’Angleterre (BoE). Et ce, d’autant plus que le marché obligataire intègre maintenant un premier relèvement des taux britanniques pour début 2015. Non seulement c’est avant la date fixée par la BoE, mais aussi avant le moment où l’on s’attend à une remontée des taux aux États-Unis ou dans la zone euro.
L’autre dynamique concerne la vie politique britannique qui devrait devenir plus mouvementée à l’approche des futures élections de mai 2015. Après la fin de la saison des congrès des partis, les conservateurs en place semblent loin derrière les travaillistes de l’opposition. Compte tenu de la perception selon laquelle le programme de ces derniers serait plus radical et de centre-gauche, un risque politique risque d’émerger au Royaume-Uni en 2014, alors que le gouvernement en place pourrait être tenté de conduire une politique de relance pour tenter de reprendre l’avantage électoral – ce qui favorisera sans doute un boum du crédit.
Avec un PER ajusté du cycle de 15,4 – soit inférieur de 11 % à sa moyenne à long terme de 17 – le marché des actions britanniques demeure attractif. Par rapport à un ensemble de 17 autres marchés d’actions, l’indice de valorisation composite britannique se situe à une place médiane. La dynamique macroéconomique reste très soutenue, le cycle du crédit redémarre fortement et les calculs électoralistes militent pour un maintien de la politique de relance, ce qui devrait doper davantage le marché du logement. Dans ce contexte, il est probable que le marché des actions et l’économie britanniques continueront de progresser avant que la Banque d’Angleterre n’ait à inverser sa stratégie et que les risques politiques ne commencent à s’intensifier en 2014. C’est un marché qui ne convient sans doute pas à la veuve et à l’orphelin, mais il pourrait néanmoins poursuivre sa course.
Chine
On prend la température en Chine. Nous allons découvrir la semaine prochaine la foultitude habituelle de statistiques chinoises. Il sera intéressant de voir si le récent sursaut de l’activité est susceptible de durer. Nos indicateurs exclusifs indiquent que l’économie s’est légèrement redressée sous l’influence de l’assouplissement des conditions monétaires – lesquelles sont passées de ‘restrictives’ à ‘neutres’.
Selon nous, la principale question est de savoir si cette reprise résulte simplement d’un processus de déstockage, les entreprises chinoises opérant un dumping à l’exportation afin de réduire le niveau excessif de leurs stocks. D’un point de vue microéconomique, les entreprises ont augmenté leur endettement et celui-ci a progressé pour représenter aujourd’hui sept fois leur flux de trésorerie d’exploitation – niveau très supérieur au raisonnable.
Avec la récente augmentation de la croissance du crédit (qui traduit peut-être le fait que les banques permettent aux emprunteurs de financer le service de leurs dettes en souscrivant des prêts plus importants), une dynamique préoccupante se met en place. Les preuves de dumping sont difficiles à trouver, mais deux des statistiques qu’il convient de surveiller sont les prix à l’importation américains de biens en provenance de Chine et de biens en provenance d’Asie. Ces deux statistiques de prix à l’importation baissent en glissement annuel, ce qui donne à penser que la croissance des exportations est soutenue par des baisses de prix. Cependant, l’indice HSBC PMI révèle aussi une envolée des commandes à l’exportation, ce qui est favorable à une diminution des stocks.
La semaine dernière, un vieil ami de l’Est a fait remarquer que les autorités chinoises appliquaient une politique alternée de « stop and go ». Notre indicateur montre clairement que cette politique a été légèrement assouplie, ce qui a conduit à une remontée brutale des prix immobiliers dans certaines grandes villes. Mais personne ne sait vraiment comment les dirigeants vont appréhender le problème croissant des niveaux excessifs d’endettement et ne connaît en fait leur degré de tolérance aux difficultés.
Les statistiques de cette semaine seront utiles pour évaluer la manière dont le cycle monétaire progresse, si les conditions monétaires s’assouplissent davantage et si l’activité réelle sous-jacente continue de s’accélérer. Enfin, les derniers chiffres relatifs aux réserves de change fourniront certains indices quant à la situation des flux de capitaux – entrant et sortant de Chine. Selon notre hypothèse de travail, la Chine se trouve actuellement dans une phase de reprise économique – laquelle risque cependant de tourner court. Nous attendons la suite avec intérêt.