Gilles Sitbon et Olivier Mollé gèrent les fonds Sycomore L/S Opportunities et Sycomore L/S Market Neutral chez Sycomore Asset Management, depuis octobre 2010 et juillet 2011. Ces fonds, qui existent depuis 2004-2005, représentent 15% de l’encours de la société, qui atteint environ 1,8 milliard d’euros. Ils reviennent sur leur processus d’investissement et l’intérêt des stratégies alternatives pour les investisseurs.
Pouvez-vous expliquer vos stratégies en quelques mots ?
Olivier Mollé : « La stratégie Market Neutral a pour objectif de générer du rendement absolu avec une volatilité faible (autour de 3%). Pour atteindre ces objectifs, le fonds prend des positions acheteuses et vendeuses sur des titres au sein du même secteur. Le faible niveau de volatilité est atteint car les positions ou « pair trades » visent à être neutre au marché et aux secteurs d’activité, de telle manière à ne pas être influencé par les variations d’un indice, global ou sectoriel. Le fonds joue une trentaine de stratégies et la performance vient du choix des bonnes valeurs.
En tant que gérant, mon aspiration est de générer une performance annuelle entre 4% et 7% par an comme par le passé (même si elle n’est que de +1% depuis le début de l’année et de 3,20% par an depuis mon arrivée chez Sycomore AM il y a un peu plus de 2 ans, compte tenu des conditions adverses). »
Gilles Sitbon : « La stratégie Sycomore L/S Opportunities a une approche directionnelle, l’exposition au marché pouvant varier entre -50% et +150%. En réalité, l’exposition nette moyenne au marché a été de 53% depuis que je gère le fonds, et elle a varié entre 20% et 60%, avec des pics à 80% à l’été 2011, quand il y avait de nombreuses anomalies de marché.
L’objectif est de faire le rendement actions sur moyenne période (entre 7% et 10%) avec une volatilité inférieure à celle du marché (8%-10% contre 21% environ depuis 3 ans). L’aspiration est de capter 2/3 de la hausse et 1/3 de la baisse.
Dans les deux fonds, l’approche est fondamentale. Elle combine la recherche d’un couple risque-rendement attrayant, la recherche de titres décotés par rapport à notre valorisation fondamentale et disposant de catalyseurs. Dans un environnement de marché normal, pour un risque de baisse de 1 euro, nous visons un potentiel de gain de 2,5 à 3 euros. Lorsque les marchés sont stressés, le rapport passe à 1 pour 4,5-5.
Nous cherchons ensuite des éléments d’information (résultat, nouveau produit, mise en Bourse d’un concurrent) qui va cristalliser la valeur. Le résultat du fonds est une performance annualisée d’environ 9% avec une volatilité de 10,5%. »
Comment les institutionnels utilisent-ils vos stratégies ?
Olivier Mollé : « L’approche Market Neutral est une bonne alternative au monétaire ou à de l’obligataire. Cette stratégie a démontré qu’elle était décorrélée du crédit « investment grade » ou « high yield ». Les conseillers financiers, qui restent encore très averses au risque, cherchent des solutions de performance absolue offrant une diversification aux fonds en euros. »
Gilles Sitbon : «Sycomore L/S Opportunties peut entrer comme alternative dans une poche actions. Elle est utilisée par des compagnies d’assurance en investissement pour fonds propres, dans les contrats d’assurance-vie, par des fonds de fonds dans une poche alternative, voire à la place de fonds pur en actions. Elle permet de revenir progressivement sur le marché actions avec une volatilité moindre. »
Qu’est-ce qu’une stratégie de type long-short (directionnelle ou market-neutral) peut apporter à un investisseur particulier dans une optique de long terme ?
Olivier Mollé : « Le fonds Sycomore L/S Market Neutral peut servir à un particulier qui, dans le cadre de son contrat d’assurance-vie ou de son PEA, souhaiterait matérialiser ses gains et avoir une rémunération plus intéressante que le monétaire, qui aujourd’hui ne rapporte quasiment rien. Cela peut aussi intéresser une entreprise dans une optique de gestion de trésorerie moyen terme. »
Gilles Sitbon : « Le fonds Sycomore L/S Opportunties permet de se réexposer au marché actions sans avoir le même niveau de risque. Cela permet de dynamiser son portefeuille (compte-titres, assurance-vie ou PEA). »
Depuis 2008, certaines stratégies alternatives n’ont pas vraiment tenu leur promesse. Pourquoi selon vous ?
Olivier Mollé : « Il faut dissocier les stratégies Market Neutral du reste de l’alternatif. 2008 a justement été l’année où ce type de stratégie a gagné ses lettres de noblesse, puisqu’elle a réalisé des performances positives. Les gérants neutres au marché ont prouvé leur capacité à se décorréler des marchés Actions contrairement à d’autres stratégies comme le « risk arbitrage ».
Gilles Sitbon : « Ce type de stratégie a baissé en 2008, mais moins que le marché. Par la suite, ces stratégies ont été capables de rebondir plus rapidement que le marché. Néanmoins, depuis le rebond de 2009, les hedge funds sous-performent leur benchmark, du fait d’une exposition nette au marché limitée.
Pour un fonds comme Sycomore L/S Opportunties, depuis 2010, le drawdown (amplitude entre le plus haut du fonds et le plus bas) était de 14,4% tandis que celui du marché était de 31%. Par ailleurs, le temps de retour du fonds à ses plus hauts était plus rapide que celui du marché (236 jours contre 565). »
Le stock-picking peut-il encore apporter de la valeur à une gestion de portefeuille ?
Olivier Mollé : « Nous sommes dans une phase de normalisation du marché qui prend du temps, ce qui est logique car après le krach boursier de 2008, le redressement ne pouvait être que lent. On est passé d’un marché de thèmes (les valeurs à croissance visible, par exemple) à un marché où les investisseurs se focalisent plus sur les fondamentaux, ce qui devrait produire des performances plus différenciées au sein d’un même secteur d’activité (ce qui n’était pas le cas jusqu’alors). »
Gilles Sitbon : « Depuis 2008, du fait de l’action des banques centrales, le prix des actifs financiers a été fixé de manière artificielle. Ce phénomène devrait s’estomper progressivement. Pour l’heure, malgré les espoirs de reprise économique mondiale, le pari des banques centrales (provoqué un effet richesse par la hausse des actions qui relance la consommation et l’activité) n’a pas vraiment marché. L’accélération de la croissance, qui se traduirait par exemple par des rythmes de créations d’emplois plus rapides, tarde à se matérialiser.
La situation de la Chine est aussi incertaine, même si le pays devrait parvenir à atteindre autour de 7,5% de croissance en 2013. Reste l’Europe, qui montre des signes de stabilisation, fait maintenant office de « région refuge » pour les actions. Elle est redevenue une zone où on peut investir. »
Olivier Mollé : « Le marché raisonnait beaucoup en noir et blanc. Désormais, il commence à regarder le monde en nuances de gris, ce qui est une bonne chose pour les types de stratégies d’investissement que nous développons. »
Après un passage chez Goldman Sachs, Gilles a travaillé comme analyste chez Spinner AM, puis comme analyste-gérant chez Proxima Capital à New-York. Il a rejoint Sycomore AM en octobre 2010. Il gère le fonds Sycomore L/S Opportunitties depuis cette date.
Olivier Mollé a rejoint Sycomore AM en 2011, après être passé chez CIC Asset Management, Exane (gérant L/S pour compte propre) puis chez Neuflize OBC Investissements (également comme gérant L/S).