Les marchés ont passé le gros de la semaine écoulée à réagir aux nouvelles en provenance de Washington, et pas vraiment aux fondamentaux de l’économie. Il semble que leur pari est que le Congrès trouvera rapidement une solution à l’arrêt du gouvernement (« shutdown ») et au plafond de dette. Et après cela, il semble que tout le monde anticipe un net rebond de l’activité et des résultats des entreprises. Le rallye boursier de jeudi montre combien tout le monde a peur de manquer la prochaine phase de rebond. Il semble y avoir peu d’inquiétudes sur l’état de l’économie. C’est une grave erreur.
Les principaux indicateurs publiés la semaine dernière – ventes automobiles, ventes de logements existants, ISM sur les services – ont tous indiqué une activité qui se stabilise, voire qui ralentit, et cela bien avant l’arrêt du gouvernement. Les dernières publications n’étaient pas de meilleure qualité, avec des ventes au détail faibles, un rebond attendu des inscriptions hebdomadaires au chômage et une réduction des prévisions mondiales de croissance par le FMI. Le sentiment des consommateurs et des dirigeants d’entreprises étaient également en repli sur la semaine.
Ralentissement des croissances bénéficiaires : le consensus au T4 est trop élevé
Les publications de résultats étaient mitigées, avec un léger biais du fait de l’amélioration sensible des résultats des financières et d’assez bonnes nouvelles de la part d’Alcoa. Pourtant, l’image d’ensemble est que la croissance des résultats du troisième trimestre des sociétés du S&P 500 devrait se situer autour de 3%, contre une estimation de +6,5% au début du trimestre. Jusqu’ici, 91 sociétés ont déçu les attentes, soit le niveau le plus élevé depuis 2006. Pire, les prévisions de croissance du quatrième trimestre, actuellement de +10%, semblent excessives, en particulier parce que l’arrêt du gouvernement va affecter les entreprises.
La probabilité d’un accord est de 90%, mais il faut s’inquiéter des autres 10%
L’arrêt du gouvernement et la violation du plafond de dette pourraient avoir des conséquences dramatiques et provoquer une correction de 10% voire plus des marchés dans le monde. La baisse des revenus des fonctionnaires, le ralentissement de la croissance du PIB, l’incertitude pour les consommateurs et les entreprises, et probablement des taux d’intérêt plus élevés justifieraient un tel recul voire davantage. Je présume que le Président et le Congrès sont conscients du risque de désastre économique et qu’ils trouveront un accord de dernière minute. La probabilité de l’absence d’accord reste néanmoins de 10%, ce qui est inquiétant.
Il y a une issue de sortie de crise
Les Républicains ont plus d’options dans cette affaire que beaucoup ne l’imaginent, ce qui laisse des marges de négociation. Si le Congrès prolonge les lois actuelles et relève les limites de dette, il y a déjà d’importantes coupes budgétaires déjà inscrites dans la loi. Toutes les règles du séquestre ne vont pas disparaître sans l’accord des Républicains. Il est surprenant que ce parti rejette de manière aussi vocale l’extension des lois en cours, car ces lois conduiront à une réduction significative des dépenses. Les lois prévoient une élimination des déficits pendant quelques années. Certaines discussions sont centrées sur les dépenses de court terme et sur des changements de long terme dans les programmes de financement des retraites et du système de santé.
Les dommages sur l’activité sont déjà réels
Malheureusement, les dommages sont déjà visibles. Dans un monde qui est de plus en plus orienté vers les services, la mise en disponibilité de fonctionnaires impacte l’activité de nombreux services (restauration, hôtellerie, transport aérien) et cela ne sera pas rattrapé au quatrième trimestre.
Au minimum, le « shutdown » a déjà fait perdre un point de pourcentage sur l’estimé de croissance du consensus pour le quatrième trimestre. Cela fait l’hypothèse que le niveau d’activité perdu est similaire à celui observé en 1995, lorsque les services représentaient une part plus limitée de l’activité économique et que les systèmes de gestion des stocks en juste à temps ou que l’usage de salariés temporaires n’étaient pas aussi importants qu’aujourd’hui.
Pour ceux qui pensent que l’on traversera sans peine 11 jours d’arrêt gouvernemental, certains effets adverses commenceront à apparaître dès la semaine prochaine. Les chèques des employés gouvernementaux émis le 27 septembre, juste avant le 1er octobre. La rémunération à percevoir le 11 octobre représente un demi-salaire, soit le versement pour une seule semaine. Les problèmes des fonctionnaires commenceront à se faire sentir le 25 octobre, lorsqu’un salaire hebdomadaire complet sera manquant, et cela quelques jours avant le paiement des loyers ou de mensualités de crédits hypothécaires.