Quels facteurs freinent l’inflation en zone euro ?

Le niveau élevé du chômage en Europe devrait peser durablement sur le niveau d'inflation, estime J.P.Morgan Asset Management.

Facebook Twitter LinkedIn

Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Michael Albrecht et Amy Yifan Zhou, de J.P.Morgan Asset Management.

Depuis sa création en 1998, la BCE est investie d’un mandat unique : le maintien de la stabilité des prix, qui arrime les anticipations d’inflation à un objectif annuel de 2 %. Cependant en octobre, l’inflation “headline” (non corrigée de l’influence des facteurs saisonniers) en zone euro a plongé de 1,1 % en rythme annuel à 0,7 %, précipitant une baisse de son taux directeur par la BCE.

Pourquoi l’inflation est-elle si faible en zone euro ?

Pour mieux appréhender les facteurs économiques de l’inflation, nous avons conçu un modèle permettant de répartir l’inflation entre trois déterminants : les anticipations, la hausse des coûts, la hausse de la demande.

Du côté de l’offre, les pressions à court terme provenant des prix des matières premières poussent à la hausse les prix à la consommation, ce que nous appelons “inflation par les coûts”.

Du côté de la demande, l’importance du chômage étouffe la demande globale, ce qui pèse sur les prix à la consommation et sur l’inflation. Il est vrai que l’inflation par la demande s’intègre dans les prix à un rythme plus lent, mais ceci implique également que la faiblesse actuelle du marché de l’emploi va continuer à freiner l’inflation future dans les trimestres qui viennent.

Une faible poussée, une forte traction : notre modèle mesure l’inflation par la demande grâce au différentiel de chômage, c’est à dire l’écart positif ou négatif entre le taux de chômage actuel et le taux de chômage naturel de l’économie qui est de l’ordre de 8 % à 9 % en zone euro.

Nos calculs suggèrent qu’un différentiel de chômage de 1 % se traduit par une baisse de 26 pb de l’inflation “headline”. Notre graphique de la semaine compare le niveau de l’inflation par les coûts à celui de l’inflation par la demande depuis 2010.

 

Source: J.P.Morgan Asset Management

 

Le différentiel de chômage de la zone euro, positif et en hausse, s’est traduit par quinze trimestres consécutifs de baisse de la demande, alors que la faiblesse des prix des matières premières depuis le début de l’année peut être constatée dans le recul de l’effet de l’inflation par les coûts au cours de ces derniers trimestres.

On observe également qu’il y a un an, au troisième trimestre 2012, la répartition était de 89 pb provenant de l’évolution des coûts et -45 pb provenant de l’évolution de la demande ; au troisième trimestre 2013, la répartition est désormais d’à peine 6 pb pour les coûts et -78 pb pour la demande.

Quelles sont les perspectives d’inflation de la zone euro et comment se comparent-t-elles à celles des Etats-Unis ?

Commençons par comparer leurs marchés du travail. En 2010, les taux de chômage aux Etats-Unis et en zone euro avoisinaient 10 %. Au cours de ces trois ou quatre dernières années, les Etats-Unis ont enregistré une reprise progressive se traduisant par un recul de leur taux de chômage, ramené actuellement à 7,3 %.

A l’inverse, le chômage a continué de progresser en zone euro pour atteindre 12 %, ce qui contribue à affaiblir davantage sa demande globale ainsi que les prix à la consommation. La divergence des conditions du marché du travail va continuer à générer des perspectives différentes pour ces deux économies.

Selon les projections macro-économiques de la BCE, l’inflation en zone euro devrait de nouveau reculer de 1,5 % à 1,3 % en 2014, alors que les projections économiques de la Réserve fédérale prévoient une hausse de l’inflation aux Etats-Unis au cours des deux prochaines années (celle-ci serait ainsi portée de 1,3 % à 1,8 % en 2014, de 1,6 % à 2,0 % en 2015 puis de 1,7 % à 2,0 % en 2016) pour se rapprocher de son objectif de long terme de 2 %.

Si certains pourraient qualifier de “bonne surprise” le jumelage d’un faible niveau d’inflation associé et d’une baisse des taux, c’est à notre avis tout sauf une bonne nouvelle. En effet, la faiblesse du marché du travail nous rappelle que la crise est loin d’être terminée et qu’un objectif de 2 % pourrait s’avérer encore plus lointain qu’il n’y paraît.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.