Albert Edwards, stratégiste à la Société Générale, est connu sur les marchés pour ses vues très prudentes, certains diraient pessimistes en matière de stratégie d'investissement et d'allocation d'actifs. Sa dernière livraison aux investisseurs est toutefois intéressante à lire, ne serait-ce que parce qu’elle tranche avec le sentiment ambiant.
De plus en plus d’investisseurs voient les actions comme LA classe d’actifs à détenir, et que quoi qu’il arrive à l’économie, les banques centrales, Fed en tête, seront là pour inonder les marchés de liquidités et tout faire pour soutenir l’activité économique.
Dans sa note, Edwards recommande aux investisseurs de regarder quelques indicateurs qu’il considère comme troublant, et qui vont, bien sûr, dans le sens de sa thèse sur « l’ère glaciaire » des marchés financiers.
Parmi ces indicateurs, il pointe l’évolution contradictoire entre les prix de vente à la production et les coûts salariaux unitaires aux Etats-Unis, bref une pression à la baisse sur la profitabilité des entreprises non financières, laquelle est historiquement annonciatrice de phases de retournement du cycle économique (graphique).
Source: SG Cross Asset Research
« L’effet de ciseau sur les marges qui est en train de se produire du fait de l’augmentation des coûts salariaux unitaires à un rythme plus rapide que la hausse des prix de vente rend les entreprises vulnérables à un retournement du cycle de l’investissement », note Edwards.
A cela s’ajoute un biais psychologique très répandu chez les investisseurs, le biais d’ancrage. De nombreux intervenants du marché ont le sentiment que malgré la hausse, les actions sont raisonnablement valorisées.
« Si les investisseurs pensent qu’une récession est à un horizon lointain, il n’y a aucune raison d’être prudent lorsqu’il s’agit de surpayer pour certains actifs. Cette confiance dans un cycle long vient pour partie d’un degré élevé de certitude dans la capacité des banques centrales à maîtriser le cycle économique », ajoute le stratégiste.
Edwards reste fermement convaincu que malgré la hausse des indices, les marchés sont enfermés dans un long cycle de baisse des valorisations – l’histoire récente des Etats-Unis ou les décennies perdues au Japon peuvent recouvrir plusieurs cycles économiques. Une vue pour le moins contrariante dans l’environnement actuel des marchés.