L'équipe de recherche de Morningstar a publié une présentation intitulée "Investir dans un environnement de hausse des taux" (document qui n'est pas encore public). Son contenu donne un peu de perspective sur le marché obligataire - ce que signifie investir lorsque les taux sont bas et qu'il sont sur le point d'augmenter.
Principaux enseignements:
1. Les taux d'intérêt sont inhabituellement bas
Vous le saviez probablement déjà. Pourtant, c'est un rappel qui n'est pas inutile. Avec un rendement des bons du Trésor à 30 ans de 3,8%, contre 2,8% il y a seulement six mois, les obligataires peuvent avoir l'impression que les taux se sont normalisés. C'est loin d'être le cas. Depuis 1926, le rendement moyen des bons du Trésor à 30 ans est de 5,2%.
De la même manière, les rendements des maturités intermédiaires sont bien en-dessous de leur moyenne historique de 4,5%. Les bons les plus courts, qui ne rapportent rien, sont également dans une situation atypique.
2. Détenir des obligations peut être dangereux
C'est également quelque-chose de connu, au regard des pertes déjà subies sur les marchés. Si les maturités intermédiaires perdent rarement 10% dans les phases de baisse des marchés, les obligations à maturité longue ont déjà subi d'importantes pertes une bonne douzaine de fois. Sur les 12 phases de baisse, 3 ont eu lieu au cours des cinq dernières années - démontrant combien il est facile de perdre de l'argent avec des obligations.
3. Les obligations privées de très bonne qualité sont relativement bon marché
Source : Morningstar.
Les obligations intermédiaires rapportent aujourd'hui environ 2% de plus que les bons du Trésor. Ce spread est supérieur à la moyenne de longue période. Avec des entreprises qui affichent des marges élevées et des bilans solides, et la perspective d'une récession somme toute lointaine, il semble plus qu'opportun d'assumer un tel risque de crédit. (Attention: cet argument ne s'applique pas aux obligations à haut rendement, qui me semblent bien valorisées).
Comme le montrent les flèches sur le graphique précédent, la recherche de Morningstar suspecte que l'écart actuel est provoqué par la pression qu'exercent les mesures d'assouplissement quantitatif (QE). Le QE crée une demande pour les obligations d'Etat, mais pas pour les obligations privées. Il est donc possible que les prix des obligations souveraines ont davantage profité des opérations d'achats de la Fed. Si c'est le cas, il est possible que les obligations d'Etat sous-performent lorsque le QE s'arrêtera.
4. Quand les taux montent, les actions battent obligations - à peine
Source : Morningstar.
En général, les actions font moins bien lorsque les taux d'intérêt montent que lorsqu'ils baissent. Pourtant, même lorsque les taux montent, les actions parviennent à tirer leur épingle du jeu. Les obligations, sans surprise, sont perdantes.
Les actions contre-performent lorsque les taux montent, car cela renchérit le coût de l'argent, rendant moins attrayant les dividendes futurs. La valorisation des actions en pâtit. Ce processus s'inverse lorsque les taux baissent.
Pourquoi, alors, les actions sont-elles stables en phase de hausse des taux? Ne devraient-elles pas perdre de la valeur comme les obligations? La réponse est que le marché n'anticipe que partiellement la hausse des taux. Les investisseurs n'appréhendent pas le phénomène pleinement, car les taux sont difficiles à prévoir.
Pourtant, le marché anticipe le mouvement de hausse des taux, et lorsque c'est le cas, les ajustements de valeur se produisent. Aussi, lorsque la hausse a effectivement lieu, les actions ne sont que partiellement affectées, car une partie de l'ajustement a déjà eu lieu.
5. Les obligations semblent plus chères que les actions
Depuis l'après-guerre, les rendements obligataires ont été le plus souvent supérieurs au rendement des actions. Si l'on fait abstraction de la période du milieu des années 1970 au début des années 1980, lorsque l'écart entre le rendement des obligations et celui des actions avaient atteint jusqu'à 9%, la norme se situe plutôt autour de 2-3%. Aujourd'hui, l'écart est de 0,8%, avec un rendement à 10 ans de 2,7% et un rendement du S&P 500 à 1,9%.
C'est le plus gros écart depuis 2008, indiquant que les actions sont moins attrayantes, après un mouvement de revalorisation très important depuis cette date. Mais l'écart reste limité si l'on se prend une perspective historique plus longue.
Ceux qui pensent que les actions sont plus chères que les obligations peuvent comparer les deux classes d'actifs en prenant un historique de données encore plus long. Entre 1851 et le début des années 1950, les actions ont presque toujours payé plus que les obligations. De ce point de vue, les actions sont aujourd'hui beaucoup plus chères que les obligations. Mais il est difficile d'en tirer un enseignement car le contexte a beaucoup changé depuis.
Dans mon portefeuille, je détiens du cash plutôt que des obligations. Je ne souhaite pas m'exposer à des obligations avec des rendements si bas. Si j'étais exposé aux obligations, la présentation suggère les choix suivants: détenir des maturités intermédiaires plutôt que des maturités longues; privilégier les obligations privées de grande qualité plutôt que les bons du Trésor; regarder d'autres classes d'actifs, y compris les actions, comme outil de couverture face à une prochaine hausse des taux.