Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management.
Nous prévoyons que trois thèmes vont prendre de l’ampleur à court/moyen terme (c’est à dire à un horizon compris entre six mois et trois ans) : l’amélioration de la croissance mondiale avec la mise en sommeil de l’inflation ; la hausse du rendement des obligations; la poursuite cahotante du processus de guérison de la crise financière mondiale.
Nos perspectives macro-économiques pour l’économie mondiale sont pour l’essentiel inchangées depuis le Quadrimestre de septembre : la production s’accélère alors que l’inflation ralentit. Ce contexte est associé à une surperformance généralisée des actifs risqués, à la fois en termes absolus et au regard du ratio de Sharpe.
Nous relevons cependant que certaines fragilités commencent à émerger devant la hausse des taux d’intérêt qui se profile, et si le dynamisme de la croissance est plus important qu’il y a un an ou deux, la dérivée seconde pourrait avoir amorcé un recul.
Nous observons que le processus de désendettement n’est pas très avancé (plus particulièrement en Europe), la croissance de la demande privée est pour une large part alimentée par la consommation, non par l’investissement, et le recours au crédit demeure dans l’ensemble faible.
Notre conviction d’une persistance d’un environnement favorable aux actifs risqués reste forte, mais nous avons augmenté la pondération du scénario baissier dans lequel l’incertitude politique – ou l’erreur politique – empêche la reprise de l’investissement, comme le suggèrent les enquêtes sur les prévisions.
Nous estimons que les principaux thèmes macro-économiques dans les trois à cinq années qui viennent continueront d’être le désendettement, principalement des bilans du secteur public, et le rééquilibrage de l’économie mondiale.
Les cinq voies possibles pour le désendettement budgétaire sont les suivantes : la croissance, la réduction des dépenses publiques, l’inflation, la restructuration de la dette et la répudiation de la dette. Nous estimons que les Etats-Unis vont très probablement suivre le chemin de la croissance et en fin de compte de l’inflation, alors que la zone euro semble vouée à étendre son programme d’austérité associé à la restructuration de la dette.
Le Japon a changé d’approche avec les Abenomics et a adopté une stratégie d’objectif de croissance et d’inflation, quoique les perspectives à long terme pourraient comporter une combinaison d’inflation et de restructuration. En Chine, le retournement du cycle d’investissement est susceptible de ralentir l’activité à moyen terme.
Enfin, au cours des trois à cinq prochaines années, il est probable qu’une difficulté majeure apparaîtra : le point de retournement de la politique monétaire. Comme le désendettement et la dynamique de rééquilibrage se poursuivent, nous sommes moins optimistes sur les taux tendanciels de croissance que ne l’est, par exemple, le FMI et nous continuons à anticiper des cycles conjoncturels plus courts et de moindre amplitude que ceux que nous avons connus au cours de ces dernières décennies..
Nous restons positifs sur les perspectives bénéficiaires et continuons à anticiper une accélération des bénéfices au cours de l’année 2014. Cependant, les actions présentent des valorisations raisonnables si on les compare à leurs séries statistiques longues, mais elles restent fondamentalement bon marché si l’on utilise des indicateurs incorporant les taux d’intérêt.
Notre analyse reste globalement inchangée pour ce qui concerne l’éventualité d’une accélération de la croissance du bénéfice par action (BPA) en 2014 : nous continuons à anticiper une croissance des bénéfices comprise entre 13 et 15 % aux Etats-Unis, en Europe et sur les marchés émergents.
Nous relevons cependant que les prévisions du consensus sur la croissance des bénéfices se sont rapprochées de nos propres chiffres. Ceci signifie qu’il ne subsiste plus désormais qu’une possibilité de modeste cycle de révision à la hausse par les analystes sauf en cas de sur-réaction du consensus, qui ne peut être exclue.
Il est cependant difficile de ne pas se montrer relativement optimiste sur les perspectives conjoncturelles des marges, étant donné que nous anticipons une accélération du contexte macro-économique.
Pour ce qui concerne le risque spécifique pour les marges d’une progression des coûts liée à la hausse des taux d’intérêt, nous estimons que son impact devrait être peu ou prou limité l’an prochain. Cela nous rappelle que, malgré une surperformance massive de la croissance du PIB depuis les années 1990, la progression du BPA des marchés émergents n’a pas été largement supérieure à celle des marchés développés.
Au Japon, le momentum des bénéfices va devenir plus difficile à maintenir en 2014/2015 après la forte hausse enregistrée cette année du fait de l’évolution du yen, qui pourrait rendre plus difficiles de nouvelles progressions des actions sur ce marché.
Les valeurs financières sont souvent citées comme une source d’inquiétudes pour les prévisions de bénéfices mais la croissance des bénéfices en 2014 devrait être en réalité moins dépendante du secteur financier qu’en 2013.
Parmi les risques “connus/inconnus” que nous voyons se profiler en 2014, quatre retiennent plus spécialement notre attention : le “tapering” (réduction progressive des rachats d’actifs par la Réserve fédérale) et une dislocation possible des marchés obligataires, les perspectives inflation/déflation, l’impact sur la liquidité du marché de l’évolution de l’environnement réglementaire, les risques d’un effondrement du crédit en Chine.
Nous estimons que la brusque hostilité envers le “tapering” apparue au cours de cet été s’est déjà traduite par la prise en compte dans les cours par les marchés du début de la réduction prévisible des rachats d’actifs par la Réserve fédérale américaine.
Le segment à court terme du marché obligataire devrait rester dépendant du taux directeur, la nouvelle présidente de la Réserve fédérale étant censée adopter un pilotage des anticipations plus rigoureux.
Nous estimons que le segment long de la courbe des taux ne devrait pas faire sécession avec le segment court, le risque d’une évolution désordonnée n’émergeant que lorsque le segment court commencera à intégrer le début des hausses de taux.
Avec le désendettement en cours, nous estimons que c’est la déflation plus que l’inflation qui constitue un risque extrême. Nous sommes néanmoins conscients de la forte réduction de la liquidité du marché et, si celle-ci ne provoquera pas la prochaine crise, elle favorise un accroissement des déséquilibres lorsque cette crise se produira.
Enfin, on constate des signes d’accumulation des pressions au sein du système financier chinois, bien que nous ne décelions pas un retournement imminent du cycle de crédit.