Un récent article de Jason Zweig dans le Wall Street Journal mettait en avant l’importance d’utiliser des checklists pour se prémunir de certains biais psychologiques lorsque l’on investit son argent. Comme l’indiquait l’auteur de l’article, les investisseurs peuvent manquer de constance lorsqu’ils évaluent le potentiel d’un investissement. Cela les expose à se laisser dominer par leurs émotions plutôt qu’à garder la tête froide. Utiliser une checklist permet aux investisseurs d’aborder le sujet de manière rationnelle, et cela peut les aider à éviter de répéter les mêmes erreurs.
L’article pointe les questions à se poser avant d’investir dans un titre, mais il ne s’intéressait pas à l’investissement dans des fonds. A quoi ressemblerait une telle checklist ? Ces questions de base ne se limitent pas aux critères de sélection de fonds.
Supposons que les investisseurs – ou les visiteurs réguliers de ce site – ne s’intéressent qu’aux fonds ayant des frais peu élevés, des équipes de gestion d’expérience et affichant une bonne performance ajustée du risque. Ces critères ne sont que le point de départ.
Suivent des questions qui ne sont pas nouvelles ou relèvent beaucoup du bon sens, mais elles peuvent être facilement oubliées le moment venu. Elles peuvent conduire à des recherches un peu plus fouillées, mais si elles sont menées avec assiduité, le résultat en sera une meilleure prise de décision en matière d’investissement.
Comment le fonds s’insère-t-il dans mon portefeuille existant ?
Cette question en soulève deux autres. Tout d’abord, y a-t-il une redondance importante entre le portefeuille du fonds et les titres déjà en portefeuille ? Une telle redondance peut conduire à une concentration excessive sur certains paris, laissant à l’investisseur un portefeuille moins diversifié qu’il ne le pensait. Trop de concentration ou une moindre diversification peuvent rendre un portefeuille plus vulnérable aux mouvements du marché et peut produire des pertes lorsque l’environnement de marché est moins favorable.
Même si les doublonnages ne sont pas un problème, poussez l’analyse un peu plus loin et demandez-vous ce que le fonds apporte à votre portefeuille ? Rappelez-vous que des classes d’actifs considérées comme différentes peuvent parfois avoir des comportements similaires. Par exemple, accroître son exposition au haut rendement ou à un fonds de prêts bancaires dans un portefeuille déjà très exposé aux actions n’apportera pas les mêmes bénéfices en termes de diversification car les titres de crédit à haut rendement ont tendance à présenter une corrélation plus élevées aux actions.
Qu’est-ce qui explique la performance du fonds ?
Après 5 années de marchés haussiers, caractérisé par des taux d’intérêt historiquement bas, il est facile de défendre l’idée d’une prise de risque accrue pour chercher du rendement. Le danger est d’atteindre un niveau de risque difficile à supporter, en particulier à court terme.
Il est donc important de comprendre ce qui pilote la performance. Il est important de bien comprendre ce qui a fait la performance d’un fonds. C’est-à-dire, quel budget de risque le gérant prend-il pour produire son rendement ? Les éléments d’explication résident parfois dans la stratégie du fonds qu’il est important de bien décortiquer plutôt que de s’arrêter à des statistiques descriptives.
Quelles sont les inconvénients du fonds ? Suis-je à l’aise avec ?
Tout investissement comporte un risque, et tout fonds à ses propres inconvénients. Il est donc important d’accepter ces faits et d’identifier les risques à l’avance. Demandez-vous toujours ce qui peut aller de travers et évaluer si vous pouvez le tolérer.
Les fonds ont généralement deux inconvénients : une sous-performance dans des marchés haussiers ou baissiers. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Il est plus important de savoir si cela est acceptable. Lorsqu’ils présentent leur stratégie, les gérants disent souvent que leur objectif est de battre un indice sur longue période en surperformant durant les phases de hausse ou de baisse. Regardez comment le fonds s’est comporté durant les phases de hausse ou de baisse.
Par ailleurs, tout gérant qui affirme être capable de battre le marché en phase de hausse ou de baisse devrait être traité avec scepticisme car cela est très difficile à réaliser sur longue période. Comme le soulignait récemment James Montier de GMO les gérants savent que c’est l’oiseau rare après lequel les investisseurs courent et ils font tout pour le leur offrir, même s’il n’y arrive pas.
Le process est-il duplicable ? Suis-je en train de m’enticher d’un phénomène à la mode ?
Cette question s’intéresse à toutes les stratégies alternatives développées ces dernières années. Ces stratégies sont généralement hautement complexes, donnant l’impression d’une différenciation voire d’un avantage concurrentiel, mais nombreuses sont celles qui ne traversent pas l’épreuve du temps. Pensez aux stratégies de momentum des années 1990 ou des gestions quantitatives durant la crise de 2008.
A l’inverse, des fonds de renom comme Yacktman et ceux gérés par Tweedy Browne ont des stratégies plutôt simples à comprendre. Ce qui différencie ces gérants, c’est la manière de mettre en œuvre leur stratégie, ce qui fait ressortir sur leur jugeotte, leur discipline et leur expérience. Une question également importante et qui est liée est de savoir combien de temps l’équipe de gestion sera en place au regard de mon horizon d’investissement. Les équipes de nombreuses boutiques, souvent associées au capital, sont généralement les plus stables.
Pour les gérants actifs : leur fonds est-il bien meilleur qu’une stratégie passive ?
Lorsque vous envisager d’investir dans une nouvelle classe d’actifs, les fonds passifs sont souvent la meilleure option. Ils ont des coûts faibles, sont bien diversifiés et présentent peu de risque de gestion. Les fonds gérés activement coûtent plus cher, ils doivent donc offrir un plus à leur client. La plupart du temps, il doit y avoir une raison qui fait qu’un gérant sera en mesure de battre son indice de référence sur longue période. Si vous n’en êtes pas convaincu, mieux vaut privilégier une gestion passive.
Dans certains cas, une gestion active peut être privilégiée car elle comporte une prise de risque somme toute acceptable que ne peut se permettre un gérant passif.
Il y a beaucoup de questions à se poser avant d’investir, et celles qui précèdent sont un bon point de départ. Pensez aux questions le plus pertinentes selon vous. Comme le souligne Jason Zweig, revisiter ses erreurs passées est un bon moyen de soulever des questions qui pourront vous aider à éviter de nouveaux écueils à l’avenir.