Marchés émergents: la vue d'un gérant actions (Comgest)

Wolfgang Fickus, Membre du Comité d’Investissement de Comgest, partage son analyse de l’évolution récente des marchés émergents.

Jocelyn Jovène 18.02.2014
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Wolfgang Fickus, Membre du Comité d’Investissement de Comgest, partage son analyse de l’évolution récente des marchés émergents.

Quelle lecture avez-vous de la volatilité récente sur les marchés émergents ?

« La décote des actions émergentes face aux développés se creuse depuis 3 ans avec une prime de risque qui s’est fortement accrue. Début 2013 la profitabilité du MSCI Emerging est tombée sous la profitabilité du MSCI Developed.

Il y a 6 ans, les actions émergentes se traitaient – quoi que brièvement - avec une prime, preuve d’un enthousiasme sans doute un peu excessif du marché à l’époque. Beaucoup d’argent spéculatif s’est investi dans la région, notamment dans la dette émergente, politiques très accommodantes des banques centrales incitant les investisseurs à chercher du rendement à tout prix. Ces flux ont aussi contribué à financer la croissance de la consommation et de l’investissement, mais la rentabilité de ces investissements est de plus en plus faible.

En mai dernier, l’annonce du « tapering » a provoqué un retournement de situation, obligeant les pays qui ont des balances déficitaires à dépenser moins et épargner davantage dans l’avenir. La chute des devises a également été une conséquence des sorties  de capitaux vers les pays développés.

On assiste à un processus d’ajustement qui n’est sans doute pas terminé. Tous les pays qui affichent des déficits courants (par exemple : Turquie, Indonésie, Afrique du Sud) doivent améliorer leur compétitivité pour attirer les capitaux à nouveau. La hausse des taux peut temporairement déclencher un ralentissement de la croissance économique.

Les valorisations ont intégré une bonne partie des mauvaises nouvelles. La prime de risque reste très élevée par rapport aux pays développés. Le risque de nouvelles déceptions et de mouvement de correction semble moindre, ce qui est plutôt positif.

Le marché est conscient des défis auxquels sont confrontés les pays émergents. »

La situation de la Chine vous préoccupe-t-elle ?

« L’Etat chinois a bien souligné qu’il était prêt à pousser des réformes structurelles pour créer une croissance soutenable après des années de croissance s’appuyant sur l’investissement. On sait qu’il peut y avoir des accidents dans le système bancaire parallèle (« shadow banking system »),  et cela peut créer de la volatilité dans les marchés.

En matière de gestion, nous n’avons pas d’exposition au secteur bancaire chinois. »

Les sorties de capitaux des marchés émergents compliquent-elles votre décision d’investir ?

« Sur les 10 dernières années, les années de plus forte décollecte ont atteint jusqu’à 50 milliards de dollars environ. L’an dernier, la décollecte a atteint 22 milliards de dollars.

Les flux sont très volatils et peuvent être un inconvénient. Nous pensons toutefois que les niveaux de valorisation intègrent une aversion au risque assez élevée. »

Quelles sont les thématiques ou idées d’investissement que vous jouez dans vos fonds ?

« Les marchés émergents recèlent beaucoup de croissance. Les taux de pénétration de nombreux produits de consommation sont à des niveaux très faibles, alors que le pouvoir d’achat des consommateurs émergents continue de croître.

De même, certaines sociétés exportatrices vont se redresser avec des devises qui se sont dépréciées, même s’il s’agit souvent des sociétés plus sensibles au cycle conjoncturel que celles que nous privilégions dans nos fonds.

La volatilité récente des marchés nous a permis de nous renforcer sur certaines valeurs (Natura Cosmeticos dont les multiples sont redevenus plus raisonnables). 

A l’inverse, certains segments de la cote, comme les valeurs Internet ont vu leur pondération réduite dans le fonds après une envolée des cours de Bourse (cas de Tencent, le facebook chinois ou Naver, qui est le premier moteur de recherche en Corée du Sud).

L’an dernier, nous avons initié une position en Mediatek pour nous exposer au développement des smartphones à prix bas (50$).

Nous cherchons à jouer la thématique de la « consommation émergente » à travers différents profils de sociétés : des entreprises de pays développés qui profitent de la consommation émergente et sont moins chers que les « pure players » des pays émergents (comme Heineken vs SABMiller). On joue également des leaders mondiaux basés dans les pays émergents (TSMC ou Tenaris).

Nous pouvons également détenir des acteurs des pays émergents exposés aux pays développés (Infosys).

Nous jouons aussi la thématique des infrastructures dans certains pays émergents, comme l’Inde, à travers Bharat Heavy Electricals, ou CCR dans les concessions d’autoroutes au Brésil. »

 

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Bharat Heavy Electricals Ltd235,40 INR0,88
CCR SA12,31 BRL0,00
Heineken NV74,04 EUR-0,56Rating
Infosys Ltd ADR20,71 USD-0,05Rating
MediaTek Inc1 290,00 TWD0,39Rating
NAVER Corp175 700,00 KRW0,00Rating
Taiwan Semiconductor Manufacturing Co Ltd1 050,00 TWD1,94Rating
Tenaris SA336,25 MXN2,38
Tencent Holdings Ltd427,80 HKD2,10Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.