Les marchés financiers semblent reprendre leur souffle après avoir accusé le coup suite à la montée des tensions entre la Russie et l’Occident au sujet de l’Ukraine, avec un rebond de 1,6% du Stoxx Europe 600, qui avait plongé de 2,3% la veille.
Prudence
A l’évidence, les investisseurs font donc encore preuve de prudence. Si dans l’ensemble, les courtiers voient une faible probabilité d’envenimement des tensions, l’épisode vient enrichir le mouvement de défiance des investisseurs à l’égard des actifs émergents.
« L’Ukraine est un autre signe des vulnérabilités des pays émergents qui ont déjà été observées dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique et en Amérique du Sud. C’est le résultat d’un mélange d’instabilité politique, de révolte sociale, de fragilité monétaire, d’excès de dette et de déficits de la balance courante », soutient Jean-Jacques Ohana dans une note aux investisseurs.
Couple risque-rendement peu attrayant
Pour les stratégistes macro sur les émergents de Morgan Stanley, le message envoyé par les marchés sur le dossier ukrainien est le suivant :
« Malgré la stabilisation des rendements obligataires ‘core’ et une modération des hausses de taux, les actifs émergents se sont différenciés au cours des dernières semaines et plusieurs ont manqué le mouvement de rebond - signe que le couple risque-rendement les concernant est toujours considéré comme peu attrayant. L’envolée des primes de risque liée à l’augmentation du risque de défaut plutôt que la détérioration des anticipations d’inflation est là pour rester, et nous pensons qu’il y a aura de nouveaux mouvements de faiblesse tant que les fondamentaux et que l’environnement externe restera décevant », expliquent-ils dans une note datée du 3 mars.
Selon Jeffrey Williams de Citi, « les obligations ukrainiennes intègrent une faible probabilité de défaut. En supposant un taux de recouvrement de 25%, le marché ‘price’ seulement 10% de chance d’un défaut de l’Ukraine. » Le marché intègre en revanche davantage un risque de restructuration de la dette de l’Ukraine.
Pression sur l'économie
Mais, avertit le stratégiste taux de Citi, « le problème d’un tel scénario est qu’il ignore le risque d’un dérapage de la situation au plan politique. »
Credit Suisse, qui avait une vue négative sur les actions russes, estime que malgré le plongeon de la Bourse moscovite et un potentiel de rebond estimé à 18%, « nous ne sommes pas tentés de nous réexposer aux actions russes tant que nous n’aurons pas de meilleure visibilité sur les intentions de l’administration russe quant à la Crimée. »
J.P.Morgan rappelle de son côté que les valeurs bancaires européennes – qui avaient particulièrement souffert hier de l’annonce des tensions géopolitiques dans la région – sont exposées à hauteur de 56 milliards d’euros à la Russie, soit entre 0,4% et 1,2% selon les établissements – la banque la plus fragilisée étant la banque russe OTP Bank.
Les banques seront malgré tout affectées à la fois par l’évolution des devises, les risques de fuites de dépôts et de dépréciations des obligations ukrainiennes dans leur bilan.
Repli de la demande russe
Au plan macro-économique, la réaction de la banque centrale russe, intervenue par le biais de hausse des taux (+150 points de base à 7%) ainsi que sur le marché des changes se comprend au regard du risque d’instabilité financière en Russie, explique Anna Zadornova, économiste chez UBS.
Mais ce n’est pas la seule conséquence pour l’économie russe, ajoute-t-elle : « les développements autour de l’Ukraine et l’impact sur les marchés russes accroissent le risque de baisse quant au scénario de reprise de la demande domestique russe. »
Même avis chez Barclays. Pour la banque britannique, les perspectives de crédit de la Russie et de l'Ukraine se sont un peu plus détériorées. Elles ont relancé la crainte d'un effet de contagion en Europe de l'Est et ailleurs, qui se produirait à travers les canaux du commerce et des liens financiers, ou de prix de l'énergie plus élevés.
Pour compléter, voici un tableau des réactions des différentes classes d’actifs lundi, permettant de trier entre celles qui ont été les plus impactées et celles qui ont pu servir de valeur refuge, au moins temporairement.