Les marchés de capitaux sont-ils entrés dans une phase de volatilité plus élevée ou un rallye des Bourses prévaudra-t-il avec une poursuite de la quête de rendement des investisseurs à travers les obligations à haut rendement ?
Le débat entre les professionnels de l'investissement à la Conférence européenne Morningstar à Amsterdam la semaine dernière a porté sur les perspectives pour le reste de l'année qui a commencé sur une note positive, mais a été perturbée par les événements en Ukraine.
Au final, les valeurs refuge ont globalement mieux performé que les actions au cours du premier semestre.
« Les actions ne sont pas pas chères, mais nous sommes loin de 1999 », a fait remarquer Asoka Wöhrmann, Co-CIO de Deutsche Asset et Wealth Management (DeAWM), faisant allusion aux valorisations extrêmes atteintes lors de la bulle technologique.
« Les actions européennes ont encore un potentiel de rattrapage », a-t-il ajouté. Les allocations de portefeuilles du gestionnaire sont actuellement surpondérées en actions européennes, le rebond des actions de la périphérie de la zone euro étant intact, selon Asoka Wöhrmann.
Le crédit et les obligations à haut rendement sont également privilégiés par DeAWM. Comme le contexte actuel de taux d'intérêt faibles prévaudra pendant un certain temps, la prise de risque est la seule façon de trouver du rendement, a affirmé Wöhrmann.
Cette vue positive sur les actions ne vaut toutefois pas pour toutes les régions, les risques pesant sur les marchés émergents – qui se traitent avec une décote « pour une raison », estime ce responsable. Avec la perspective d’élections en Inde et la crise ukrainienne toujours frémissante, les portefeuilles de DeAWM demeurent « sensiblement » sous-pondérés sur les émergents. « Nous sommes à la recherche d'un catalyseur qui signale une reprise des actions des marchés émergents comme ce fut le cas avec les actions européennes, lesquelles ont commencé leur rallye il y a environ 18 mois. »
Une évaluation quelque peu différente de la situation actuelle et des perspectives pour les marchés mondiaux a été présenté par Arnab Das, responsable chez Das Capital, une société de recherche et de conseil en investissement.
Selon Das, « la thèse du rattrapage rapide des pays émergents et de leur processus de conversion s'est effondré », ajoutant que les Etats qui ont réussi à se transformer en économies développées, comme Singapour, l'Espagne ou la Grèce « sont peu nombreux et ont profité de situations spéciales, comme les transferts et autres privilèges que les nouveaux Etats membres de l'UE ont reçus et le statut de ville-Etat dans une région en croissance rapide. »
Das a adressé des critiques acerbes à l'industrie de la gestion qui a popularisé « l'investissement par acronyme populaire », à travers des fonds « BRIC » et s’est lancée dans une course d'innovations de fonds et de produits de gestion.
« Le concept de BRIC n'a pas de sens car ces pays n'ont pas de dénominateur commun », a assainé Das, ajoutant que la même chose vaut pour la nouvelle génération de fonds dédiés aux marchés émergents comme les « Next 11 » ou les « marchés frontières ». Ces appellations se retournent aujourd’hui et sont devenues les « Cinq Fragiles ».
Le responsable chez Das Capital a fourni une vision sobre pour les perspectives de reprise des marchés émergents. « Quel gouvernement réussira à faire la bonne chose pour le pays et la mauvaise chose pour lui-même en adoptant des réformes sociales, politiques et économiques ? Aucun ! ».
Les réformes sont une illusion est ne deviennent réalité qu’en situation de pleine crise. « C'est pourquoi beaucoup a été fait dans les années 1990. Maintenant, la plupart des pays sont tout simplement pas en si mauvaise forme et hésitent à adopter des réformes similaires. »
Contrairement à Wöhrmann, Das a partagé son scepticisme sur l'Europe, dont l'intégration reste loin d’être achevée. L'Union bancaire n'aura pas les outils nécessaires pour gérer la liquidation progressive de banques défaillantes. « La BCE va rester un fournisseur de liquidités, face à la prochaine crise bancaire, qui restera de la responsabilité des gouvernements nationaux. »
David Zahn, responsable de la gestion obligataire européenne chez Franklin Templeton, a adopté la même analyse, offrant une vue mitigée pour les marchés émergents en général.
« Rappelez-vous de l'Argentine, qui était un pays développé au siècle dernier. Maintenant, ce n’est même pas un marché émergent, mais tout juste un marché frontière. » Selon Zahn, les perspectives sombres pour les marchés émergents auront de graves conséquences pour l’allocation d'actifs des investisseurs en Europe. » Les portefeuilles sont encore orientés vers les marchés émergents, même si leur poids est insuffisant là, ils pourraient encore être suralloués. »
Plusieurs intervenants ont conseillé aux investisseurs d’être vigilants sur les risques politiques qui ont marqué un retour comme facteur à prendre en compte. « Les crises géopolitiques ont été sous-estimées jusqu'à présent – elles étaient simplement considérées comme des opportunités d'achat. Cela va changer » a déclaré Asoka Wöhrmann.
Pour David Zahn, le 19ème siècle pourrait offrir un analogie utile pour l'avenir. « Les Etats-Unis seront dominants, mais reculeront, la Russie est faible, et nous verrons un monde multipolaire. L'équilibre régional conduira à une augmentation de la volatilité au moment où le monde deviendra plus complexe avec une augmentation du nombre d’ ‘accidents’ », a affirmé Zahn.
Arnab Das a offert une lecture plus économique d'un avenir incertain. Alors que les marchés émergents ont réduit leurs déficits courants et maîtrisé le niveau de leur endettement externe, l'énorme boom du crédit intérieur devra être réduit. Il a cité les « pertes élevées qui rôdent dans le secteur bancaire chinois ».
Dans l'ensemble, les experts du groupe ont convenu que les taux d'intérêt bas vont perdurer un certain temps. La Fed devrait relever ses taux d'intérêt en 2015 et la BCE devrait s'engager dans une politique plus accommodante communément connue sous l’appellation d’ ‘assouplissement quantitatif’(QE).
Avec une inflation qui restera faible, le potentiel pour le « QE » est là, selon David Zahn. Les intervenants ont estimé que la gestion active sera en mesure de tirer parti des niches de croissance. « Sortir des benchmarks et être plus actifs » sera la recette, selon Asoka Wöhrmann.