Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management.
Au cours des deux derniers jours d’avril s’est tenu notre Quadrimestre, réunion des grands investisseurs AMS-GMAG que nous organisons trois fois par an, au cours de laquelle nos équipes présentent et testent leurs opinions sur les économies et les marchés mondiaux pour l’année suivante et au-delà. Notre bulletin hebdomadaire présente cette semaine nos principales conclusions.
Nous restons positifs sur les actifs risqués, comme nous l’étions également lors de notre précédent Quadrimestre en décembre dernier. Cependant, en raison de la progression des valorisations et de la normalisation de la politique monétaire, nous n’anticipons pas au cours des années qui viennent une performance des actions comparable à celle dont nous avons bénéficié récemment, particulièrement en 2013. Du fait de l’affaiblissement de notre conviction, nous entendons mettre l’accent sur la diversification de nos portefeuilles et sur les scénarios de valeur relative plutôt que sur les expositions directionnelles au cours de la période d’incertitude qui s’ouvre devant nous.
Perspectives de croissance
Nous prévoyons toujours une accélération de la croissance mondiale, stimulée par le renforcement de l’activité aux Etats-Unis et en Europe. Après correction des effets des conditions climatiques extrêmes du premier trimestre cette année, nous estimons que les pays du G-7 sont entrés dans le régime “Inflationniste” de notre cadre interne G-Map, qui suggère pour l’avenir une accélération de la croissance et de l’inflation.
Cette étape du cycle est habituellement associée à la volatilité des performances, qui peut se révéler quelque peu inégale selon les classes d’actifs et les zones géographiques. Ce contexte se classe au second rang des pires environnements (sur une échelle de quatre) pour les actions et les REIT (sociétés de placement immobilier), à la première place pour les matières premières et à un niveau toujours raisonnable pour le crédit.
Les Etats-Unis semblent également entrés dans une phase inflationniste, la croissance progressant de concert avec l’inflation, bien que l’accélération de cette dernière part de son niveau actuel (très faible). Nous prévoyons que le niveau de l’inflation restera bien maîtrisé jusqu’à fin 2015. Si le PIB révisé du premier trimestre devrait s’avérer inférieur à zéro (entre -0,5 % et 1 % selon les récentes statistiques de stocks), le second trimestre est en bonne voie de rattraper le temps perdu en approchant de 4 %, et nous prévoyons une croissance supérieure à 3 % pour le second semestre de cette année.
La zone euro continue d’enregistrer des niveaux d’inflation dont la faiblesse est préoccupante, liée à la force de la monnaie unique, la langueur de l’économie et la fragilité financière. Alors que la poursuite de la désinflation va inciter la BCE à passer à l’action (dès le mois de juin), nous sommes persuadés qu’un dispositif d’assouplissement quantitatif à part entière ne sera adopté qu’en dernier ressort. Si l’économie de la zone euro montre des signes de croissance sans inflation, celle du Japon affiche des signes d’inflation sans croissance.
La faiblesse du yen et la hausse de la TVA ont fait progresser les prix à la consommation headline (apparents), mais on reste dans l’expectative pour ce qui concerne la transmission de l’inflation aux salaires réels.
Comme la relation entre la confiance des consommateurs et les marchés d’actions se délite, tout va dépendre d’un éventuel regain de tension sur le marché de l’emploi, qui stimulerait positivement à la fois la croissance et l’inflation. Nos perspectives pour les marchés émergents sont mitigées et varient selon les marchés. Nous estimons que le retournement du sentiment des investisseurs au cours de ces dernières semaines a été principalement influencé par certains positionnements extrêmes. Notre vision à moyen terme demeure basée sur la prudence.
Il est important de rappeler que de nombreux pays émergents doivent encore s’attaquer à la croissance excessive du crédit, ce qui implique un resserrement à venir de la liquidité au niveau mondial. Le ralentissement de la croissance en Chine et l’instabilité du système financier continuent d’assombrir l’horizon des pays exportateurs de matières premières.
L’équilibre des risques
Les risques ont évolué depuis la fin de l’an dernier. En décembre, nous avions mis l’accent sur les inquiétudes liées à un éventuel retournement précoce et inattendu de la politique d’assouplissement monétaire.
Désormais, après un processus de clarification parfois éprouvant, ces inquiétudes se sont apaisées, le marché s’étant adapté à la trajectoire incertaine du dénouement de la politique d’assouplissement monétaire. Les niveaux inhabituellement faibles de volatilité des actifs signifient que la surprise pourrait résider dans tout infléchissement de la politique monétaire qui ne déclencherait pas une volatilité accrue des prix des actifs.
Les risques de baisse se sont néanmoins accrus dans le monde émergent. Plusieurs pays semblent sur le point d’entrer dans un cycle douloureux de désendettement au cours des deux ou trois prochaines années.
L’écart crédit/PIB (évolutions du ratio de crédit en pourcentage du PIB par rapport à la tendance) révèle un déséquilibre plus élevé dans les marchés émergents qu’avant la crise financière asiatique de 1997. Cette approche a été soulignée par la BRI (Banque des règlements internationaux) comme un signal d’alarme pertinent de crises possibles et illustre les difficultés restant à surmonter par les nations émergentes.
Sur le plan macro-économique, les perspectives immédiates des marchés émergents seront tributaires de leur performance à l’exportation et du besoin d’une ré-accélération significative, en ligne avec le raffermissement attendu de la croissance mondiale, sans pour autant provoquer de nouvelles hausses de l’inflation.
De nombreux pays émergents continuent cependant à afficher encore, sur leur lancée, une dynamique de fin de cycle : croissance excessive du crédit, hausse de l’inflation et nouveau resserrement de la politique monétaire. Cette combinaison ne suggère pas le début d’une nouvelle tendance haussière durable.
Evolution des niveaux de conviction
Nous continuons à trouver attractifs les actifs plus risqués (les valorisations des actions restent défendables et les spreads de crédit, compte tenu des faibles niveaux de défaut, peuvent encore se resserrer) mais il est peu probable que les performances des prochaines années puissent atteindre les niveaux affichés au cours de la récente période écoulée.
La combinaison d’une croissance faible mais positive, d’une inflation faible et d’un assouplissement extrême de la politique monétaire a créé un environnement favorable aux actifs risqués. Mais l’analyse de ce cocktail nous rappelle que nous ne devons pas miser sur la persistance de ces conditions indéfiniment. Ce régime arrive à son terme dans les marchés développés, ce qui implique des performances plus faibles et plus volatiles.
Nous restons positifs sur les perspectives des actions mais sommes inquiets de la montée en puissance de cette opinion. Le contexte macro-économique devrait se montrer porteur pour les bénéfices et le récent regain d’activité des fusions/acquisitions apporte un soutien technique. Mais il y a moins de potentiel en provenance de l’expansion des multiples pour compenser d’éventuelles déceptions sur les bénéfices.
Pour ce qui concerne les obligations souveraines, nous restons adeptes de notre positionnement favorable à une duration courte – un retour à la croissance supérieur à la moyenne aux Etats-Unis devrait permettre de constater une fermeture de l’écart de production, suggérant que l’inflation devrait progresser de manière cyclique.
Cependant, le choix de la duration courte est une stratégie populaire, il existe une forte demande pour les obligations à long terme émanant des stratégies de réduction des risques et les incertitudes géopolitiques abondent.
Au cours des dix-huit derniers mois, les mouvements de marché ont provoqué une réduction des opportunités suscitées par les anomalies de valorisation. Du fait de l’affaiblissement de notre conviction, nous allons chercher à réduire le risque ex-ante, et à considérer la valeur relative et l’atténuation du risque comme des objectifs prioritaires.