Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management.
Mario Draghi a tenu sa promesse d’assouplir la politique monétaire lors de la réunion de la Banque centrale européenne (BCE) de jeudi dernier. Comme beaucoup s’y attendaient, le président de la BCE a annoncé une baisse des taux d’intérêt marquée par une réduction du taux de refinancement de 0,25 % à 0,15 % et l’instauration d’un taux de rémunération des dépôts excédentaires des banques auprès de la BCE négatif de 0,1 %, contre un taux nul précédemment.
La BCE est la première des banques centrales du G4 à appliquer un taux d’intérêt négatif, et ce, même si la Suisse, Hong Kong, la Suède et le Danemark ont tous connu de tels taux récemment.
Outre ces variations mineures des taux, la BCE a fourni des liquidités supplémentaires de 400 milliards d’euros par le biais d’une nouvelle opération de refinancement à long terme (LTRO) et déclaré qu’elle allait étudier un programme de rachat d’actifs sur le marché des ABS (titres adossés à des actifs).
Dans le cas où cela ne suffirait pas, la BCE a également suspendu la stérilisation des anciens rachats d’obligations et servira la totalité des soumissions aux opérations principales de refinancement jusqu’à la fin 2016. À première vue, Super Mario a plus que répondu à des anticipations déjà relativement élevées. En conséquence, les marchés d’actifs européens ont enregistré quelques mouvements d’ampleur exceptionnelle et le marché obligataire italien a beaucoup progressé, tout comme les marchés d’actions européens.
Quel est l’objectif de la BCE et quels résultats cherche-t-elle à atteindre ?
L’objectif est d’offrir une marge de manoeuvre supplémentaire et de dynamiser la croissance du crédit dans le secteur privé. Comme le plan de financement pour le crédit (Funding for Lending) britannique, la nouvelle opération de refinancement à long terme prévoit des mesures conçues pour encourager les prêts aux entreprises.
Mais ce que le système britannique nous enseigne, c’est que si l’impact d’une telle mesure sur la croissance du crédit peut être limité, le principal soutien se situera au niveau des coûts de financement des banques.
Un analyste sell-side considère qu’environ 40 % des obligations des banques italiennes émises auprès des particuliers arriveront à échéance dans les 12 prochains mois et qu’en conséquence, des financements supplémentaires à bas coût de la BCE permettront à ces banques de réduire le coût de leurs fonds propres et doper leur bénéfice.
Le résultat sera donc des coûts de financement manifestement plus faibles pour les banques et des signes d’amélioration des bénéfices des entreprises au second semestre. Les détails précis de ces mesures donnent à penser que la BCE a adopté une approche très technique pour essayer de libérer les mécanismes de transmission du crédit.
La bonne nouvelle – qui paraît plutôt ironique – est que selon nos indicateurs, le cycle de crédit de la zone euro a déjà touché son point bas au troisième trimestre 2013 et se redresse doucement depuis.
Une dépréciation de l’euro à l’avenir constituerait un autre résultat positif. La monnaie unique a commencé par baisser à 1,35 dollar jeudi avant de rebondir, fluctuant en sens inverse au cours de la même journée – ce qui est plutôt inquiétant et signale que, techniquement, l’euro pourrait ne pas « jouer le jeu » et finir par s’apprécier.
Son évolution est déterminante pour le calendrier de reprise de l’Europe. Si l’euro reste stable aux niveaux actuels (de 1,365), alors d’ici à la fin septembre il s’inscrirait en baisse en glissement annuel, cessant ainsi d’handicaper les bénéfices des entreprises. Ce serait une bonne chose pour les marchés européens d’actifs.
Les obligations des pays périphériques demeurent selon nous attractives – grâce à un probable nouveau resserrement des spreads à court terme, sauf si les indicateurs avancés de l’activité commencent à s’inverser dans la zone euro. Entre-temps, les actions européennes ont évolué dans un contexte marqué par des signes précoces de reprise de l’activité (et des bénéfices) et l’espoir que la BCE allait en faire davantage.
Cette dernière continuant de nourrir la perspective d’un nouvel assouplissement monétaire et les signes de la reprise américaine se confirmant, tout semble s’aligner parfaitement pour favoriser une remontée du dollar et soutenir les actions européennes.