Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Win-Heim Pals, gérant chez Robeco.
Les investisseurs s’intéressent de nouveaux aux marchés émergents qui reprennent des couleurs après des mois de sous-performance. Ils ont en effet un meilleur potentiel de croissance par rapport aux titres occidentaux et sont les moins chers du marché.
Nous estimons que la croissance des bénéfices en Asie et en Amérique latine devancera celle des pays occidentaux. Mais aussi que les meilleures opportunités se trouvent dans des entreprises locales, au service d'une classe moyenne en fort développement.
Les meilleures perspectives des marchés émergents, en termes de croissance des bénéfices et d’évolution des cours, s’expliquent notamment par « l'effet de base » de leur plancher actuellement bas. Nous estimons que les entreprises des pays émergents verront leurs bénéfices augmenter de 12% en 2014 contre 8% dans les marchés développés.
Dernièrement, la classe d'actifs a « vécu la guerre » (quelque fois littéralement avec des conflits ou des troubles civils en Ukraine, Thaïlande, Turquie et au Moyen-Orient). Les actions constituant l’indice MSCI Emerging Markets ont fortement chuté depuis que la crise ukrainienne a éclaté. Mais elles ont depuis rebondi.
Beaucoup d'investisseurs pensent avoir vécu le pire
Les flux des capitaux montrent que les investisseurs sont de retour dans la classe d’actif. Ils pensent que le plus dur est derrière nous. Ce sentiment est en partie suscité par les élections qui mèneront à des changements de gouvernements ou à des nouvelles restructurations dans quatre des pays les plus peuplés du monde.
Celles-ci se sont déroulées cette année au Brésil, en Inde, en Indonésie et en Afrique du Sud avec en haut de l’ordre du jour des réformes favorables aux entreprises. Entre temps, le gouvernement chinois a adopté un nouveau plan de croissance qui se focalise davantage sur la restructuration.
Les révisions des bénéfices avaient atteint un plancher et sont aujourd’hui en hausse. La croissance des bénéfices dans la région EMEA est presque nulle, mais devrait être dans une moyenne de deux chiffres en Asie et en Amérique latine.
Nous pensons que les actions des pays émergents sont 30% moins chères que celles des marchés développés. Nous nous basons sur nos trois principaux paramètres de valorisation qui comparent le prix des actions avec les bénéfices, les valeurs comptables (actif) et la trésorerie des entreprises concernées.
Les paramètres de valorisation sont un argument positif, dans un portefeuille d'actions internationales, en faveur d’une surpondération des marchés émergents par rapport aux marchés développés. Les bénéfices, la dynamique économique et politique et le sentiment du marché ont récemment bénéficié aux actions des pays émergents. Les flux dans ces fonds et les spreads avec les obligations émergentes illustrent cela.
Toutefois, en raison des préoccupations qui pèsent actuellement sur les devises, les exportateurs risquent d’être plus menacés que les entreprises locales. Celles-ci s’adressent dans leur pays à une classe moyenne en pleine essor, avec un pouvoir d’achat en expansion. La demande intérieure est un thème au cœur de notre portefeuille des marchés émergents; celui des biens de consommation durables est notre préféré.
Sur l’ensemble des secteurs, les valeurs cycliques performent un peu mieux que celles « défensives » en Asie. Nous sommes également surpondérés sur les sociétés financières.
De la crainte à l’enthousiasme électoral
Au final, les élections ont été un facteur positif pour les investisseurs. Ils craignaient initialement l’incapacité des pays émergents à résoudre leurs problèmes structurels et que cela se traduise en malaise économique. En Inde, pays qui a suscité le plus d’attention, le parti libéral et pro-réforme (BJP) a remporté le 16 mai une victoire écrasante.
L’ensemble des résultats électoraux a eu un effet neutre ou positif vis-à-vis du marché. L'Inde a eu le résultat le plus favorable, ce qui profitera également aux cours des actions et aux monnaies locales.
Ainsi les élections dans les marchés émergents ne sont plus un facteur de crainte mais servent désormais la classe d’actifs. En effet, le marché boursier indien avait atteint un nouveau record simplement sur les anticipations d’une victoire du nouveau Premier ministre BJP, Narendra Modi.
Mis à part l’Inde, nous avons une nette préférence pour trois autres pays : la Chine, la Corée du Sud et la Turquie. Tout le monde parle de la Chine comme d’un groupe homogène, mais la sélection des titres est très importante. Nous privilégions sur ce marché des entreprises publiques en bonne voie de restructuration, des fournisseurs de la consommation domestique, tels que des fabricants d'automobiles ou des sociétés internet.
La Chine progresse toujours à plus de 7 % par an et ses bénéfices s’accélèrent également. Nous devons être très sélectifs dans les titres que nous choisissons, notamment dans le secteur financier mais, dans l’ensemble, il existe beaucoup d’opportunités d'investissement.
Nous sommes également surpondérés à long terme sur la Corée du Sud. Nous sommes positifs tant sur les entreprises qui exportent que sur celles destinées au marché local. Nous sommes surpondérés sur la Turquie. Nous pensons que les récents bouleversements politiques sont terminés et que le gouvernement pourra se concentrer sur son économie.
La crise ukrainienne montre des signes d’essoufflement
La baisse du sentiment sur les marchés émergents est principalement survenue lorsque la crise ukrainienne s’est avérée présenter un plus grand risque comparée aux démocraties stables de l’occident. Robeco a limité ce risque en allégeant sa position sur les titres russes. Néanmoins, la situation s'est calmée depuis que le président Vladimir Poutine a adopté une position plus conciliante.
Nous continuons de surveiller la situation quotidiennement et estimons qu’à termes le conflit se résoudra diplomatiquement. Toutefois, le marché restera très volatil entretemps. Par conséquent, nous avons allégé une partie de nos actions russes, en vendant certains titres en mars-avril, pour adopté une position plus neutre, légèrement sous-pondérée.
Nous n’envisageons pas de véritable guerre civile en Ukraine ou d’escalade dans les manœuvres de la Russie, mais une politique plus prudente est souhaitable.