Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Bernard Aybran, directeur de la multigestion chez Invesco Asset Management.
La popularité des proverbes s’avère assez indépendante de leur pertinence. Ainsi, chacun garde à l’esprit la recommandation de « vendre en mai et s’en aller », même si, encore une fois cette année, appliquer cette règle aurait entraîné un manque à gagner certain. Qui plus est, la progression a touché la plupart des marchés financiers, toutes classes d’actifs confondues. Une situation assez paradoxale.
Sur les cinq premiers mois de l’année, les investisseurs avaient le choix : ils pouvaient opter pour des emprunts d’Etat allemands, des actions européennes ou américaines et obtenir des performances voisines de 5%.
L’une des conséquences est l’étonnante proximité des performances des portefeuilles diversifiés, quels que soient les profils d’allocation d’actifs considérés : les fonds d’allocation agressive ne surperforment les fonds d’allocation prudente que de 0,49% en 5 mois.
Ces performances nettement positives ont en revanche une conséquence : des rendements bien amoindris pour les marchés obligataires dans leur grande majorité. Tout à fait symbolique de cette chute des rendements, le taux des emprunts d’Etat italiens et espagnols est récemment devenu inférieur à 3%, après avoir culminé à plus de 7% en 2011.
Autre symbole : moins de 3 ans après s’être vu fermer l’accès aux marchés de capitaux, l’Irlande bénéficie désormais d’un taux d’emprunt inférieur à celui de son voisin britannique. Certes, dans ce dernier cas, le phénomène se justifie assez rationnellement par les différentiels d’inflation et de croissance.
Toutefois, la rapidité de ces mouvements, de même que leur caractère uniforme pour l’ensemble des émetteurs « périphériques », indique que les déterminants propres à chaque émetteur s’effacent derrière la « chasse au rendement » à laquelle se livrent des investisseurs confrontés à des taux monétaires durablement très faibles.
Tandis que la chasse au rendement fait progressivement disparaître ce rendement sur de nombreux marchés obligataires, il semble souvent plus stable sur certains marchés actions.
Tout d’abord, le rendement du dividende s’établit à 2,5%, en moyenne dans le monde. Mais cette moyenne est tirée vers le bas par quelques poids lourds, en termes de capitalisation : les actions américaines et japonaises n’offrent que des dividendes de l’ordre de 2%. Plus près de nous, les marchés de la zone euro distribuent pour la plupart des dividendes supérieurs à 3%, tout à fait compétitifs au regard de nombreux marchés obligataires : le high yield euro n’offre plus que 3,2% de rendement.
Devant ce rendement, attrait objectif des actions européennes, il faut garder présent à l’esprit que les actions sont des titres à revenu variable, au contraire des obligations qui offrent un revenu fixe. Autrement dit, leur dividende peut diminuer à l’avenir, si les bénéfices dégagés ne suffisent pas à le maintenir.
Et c’est précisément là qu’il faudra rester attentif : la croissance bénéficiaire des sociétés européennes se voit en permanence revue à la baisse. Le consensus attend une croissance des bénéfices de 5,8% en Europe, pour une stagnation des résultats (+0,1%). Autrement dit, la marge de sécurité devient ténue : s’il suffit d’une très faible croissance des ventes pour assurer une croissance des bénéfices, une chute des ventes constituerait une réelle menace pour les résultats des entreprises européennes, qui enregistreraient alors une nouvelle année de contraction.
Ce scénario est pour l’heure écarté par les marchés, d’autant que les bénéfices des sociétés américaines sont pour leur part à nouveau revus la hausse, et que les anticipations pour l’Asie restent tout à fait positives. C’est donc encore le bénéfice du doute qui est accordé aux marchés européens, ce qui leur permet de se négocier à plus de 15 fois les bénéfices attendus cette année.
Dans le courant du mois de mai, les portefeuilles diversifiés multigérants Invesco sont demeurés significativement investis sur les marchés actions, en maintenant une place prépondérante à l’Europe. Les allègements se sont poursuivis sur la dette high yield, à un rythme certes très progressif, mais constant depuis plusieurs mois.
Les marchés émergents demeurent absents des allocations, même si les marchés asiatiques commencent à receler des opportunités d’investissements, alors que quelques années de désaffection des investisseurs ont permis aux valorisations de retrouver des niveaux parfois tout à fait attractifs. Qu’il s’agisse du Japon ou de quelques émergents de la région, la robustesse des bénéfices ne semble pas suffisamment valorisée par des investisseurs encore focalisés sur les rapides moins-values du deuxième trimestre 2013.
Pour les semaines à venir, la liquidité devrait demeurer le facteur déterminant des mouvements de marché. Après des progressions tout à fait significatives sur la plupart des grandes classes d’actifs, reconstituer quelques liquidités se justifie. Toutefois, à moyen terme, les taux monétaires voisins de zéro constituent un soutien de poids aux marchés de capitaux en général, et aux marchés actions en particulier.