Depuis le début de la « bataille » pour la prise de contrôle d’Alstom, le cœur des débats s’est focalisé sur le rapport de force entre l’Etat français et General Electric. Peu d’attention a été portée aux minoritaires. Or l’attitude du conseil d’administration et de la direction d’Alstom donne l'impression de ne faire que peu de cas de ces derniers.
Il est certes important et utile que l’Etat se soit impliqué dans le dossier. L’implication des pouvoirs publics avait sans doute pour objectif de sauver la face des responsables politiques. Elle visait aussi à s’assurer que des technologies clefs comme la génération d’énergie ne disparaîtraient pas purement et simplement du « patrimoine économique national », au moment où le gouvernement français lance un plan lié à la transition énergétique du pays.
N’oublions pas que la France n’investit pas suffisamment en R&D. Accepter de céder Alstom revenait à accélérer un processus de perte de compétitivité, avec sur le long terme une destruction certaine de richesses et d’emplois.
Au-delà de cette problématique importante, en semblant se satisfaire de l’offre initiale de GE, l’attitude de la direction et du conseil d’administration d’Alstom va à l’encontre du principe central de défense des intérêts de l’ensemble des actionnaires. Et cela se mesure très simplement.
Tout d’abord, Patrick Kron a une attitude étonnante en décidant de chercher un partenaire lorsque le cours de Bourse d’Alstom se traite à des niveaux de valorisation particulièrement déprimés. Une situation d’autant plus paradoxale que l’économie mondiale se redresse, certes péniblement, mais se redresse tout de même.
L’action des banques centrales reste très accommodante et continue de maintenir à un niveau très bas le coût du financement des Etats et des entreprises, une situation particulièrement favorable aux utilities, principaux clients d’Alstom et au groupe d’ingénierie lui-même.
Ensuite les résultats du second semestre d’Alstom indiquent une amélioration de la génération de trésorerie. Le groupe d’ingénierie affiche un carnet de commandes de 51,5 milliards d’euros, lequel représente plus de deux ans de chiffre d’affaires, ce qui assure une certaine visibilité.
Certains médias ont évoqué un risque juridique lié à de possibles affaires de corruption lesquelles auraient pu précipiter la décision de trouver un partenaire solide comme GE.
La nouvelle offre de General Electric est très complexe et soulève un certain nombre d’interrogation – ce qu’illustre l’évolution récente du titre Alstom en Bourse. Une chose apparaît clairement néanmoins : GE affiche un ratio cours sur bénéfice de 14,7 fois contre 10,2 fois pour le français.
En reprenant Alstom dans les conditions actuelles, même améliorées, l’américain est sûr de faire une très bonne affaire avec un risque somme toute limité.