Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe les contributions externes d'experts. Le texte suivant a été rédigé par Véronique Riches-Flores, fondatrice et présidente de RFResearch. L'intégralité du commentaire de RF Research et les graphiques associés sont accessibles sur le site de la société.
En troisième lecture, c’est une contraction de 2,9% en rythme annualisé qu’aurait enregistré le PIB américain au premier trimestre de cette année par rapport au précédent, et non plus de 1 % ou de 0,1 % respectivement chiffré en deuxième et premier chiffrage. L’erreur est de taille !
Si les américains sont coutumiers de révisions importantes, d’ailleurs inévitables, celle-ci est exceptionnelle : la plus forte jamais enregistrée depuis le début de l’historique de ces révisions en 1976.
Plus stupéfiante est toutefois l’origine de cette correction, pour l’essentiel liée aux dépenses de santé. Ces dernières initialement publiées en hausse exceptionnelle avaient attiré notre attention et notre réserve quant à consolation que certains avaient trouvée dans le rebond des dépenses de services des ménages au cours de cette même période.
Bien nous en avait pris, car au lieu d’une envolée, c’est une contraction que ces dernières auraient subie. Ainsi, leur contribution à la croissance du PIB, initialement de 1,1 point, est finalement négative de 0,2 pt, soit un écart de 1,3 pt, expliquant les 2/3 de la révision du PIB annoncée aujourd’hui.
Qu’en dire ? Peut-on résolument ne voir dans ces évolutions que les effets ponctuels d’un hiver anormalement froid doublés des distorsions de la mise en place de l’ACA (Affordable Care Act), comme nous le suggèrent les marchés ?
Même pas mal ?
Moins de deux heures se sont écoulées entre la douche froide qu’a constituée la publication d’une nouvelle forte baisse de l’estimation du PIB du premier trimestre et le rebond du marché américain, dopé par une actualité toujours très fournie en matière de rachats d’actions, fusions et acquisitions.
Engloutie, la nouvelle d’une contraction du PIB de 2 ,9 % au premier trimestre, la plus forte baisse depuis cinq ans, semble déjà oubliée.
Une telle inertie est préoccupante. Que les tendances à venir soient plus importantes que celles passées est un fait qui ne justifie pas la myopie dont font preuve les investisseurs ces dernières semaines. La révision apportée aux estimations du PIB du premier trimestre est loin d’être anodine, surtout quand les indicateurs supposés mieux orientés au printemps ne le sont que partiellement.
Les dernières prévisions de la Fed déjà hors de portée
La forte révision du PIB du premier trimestre a, bien sûr, des effets sur le chiffrage des anticipations de croissance de l’ensemble de l’année 2014 qui sont loin d’être marginaux et pourraient, en particulier, pousser la Fed et le consensus à une nouvelle révision à la baisse du scénario privilégié.
La dernière livraison des prévisions de la Fed d’une croissance de 2,1 % à 2,3 % pour la fin de l’année supposait déjà une très belle performance pour les trois derniers trimestres de l’année ; elle est, selon toute vraisemblance, aujourd’hui hors de portée.
A supposer, en effet, que la croissance du deuxième trimestre rebondisse de 4,1 % et soit suivie de deux trimestres à 2,5 % en moyenne (ce qui était nécessaire pour justifier la prévision du FOMC du 18 juin), l’année se terminerait à 1,5 % en glissement annuel et à 1,6 % en moyenne par rapport à l’année 2013 !
Nous sommes loin des prévisions du consensus sur lesquelles se cale la Fed, ou vice versa, et c’est donc sur un scénario, une nouvelle fois, nettement inférieur au précédent que Janet Yellen devra communiquer en septembre.
Un tel changement ne peut naturellement pas passer inaperçu ni sur les marchés d’actions, ni sur ceux des Bonds, des changes ou de l’or.
Or, si les derniers ont accusé le coup, le peu de cas donné par les marchés d’actions à ce changement de perspectives est dérangeant. Ceci d’autant plus que l’amélioration supposée de la situation depuis le début de l’année reste à valider.