Depuis le début de l’année, les investisseurs formulent l’espoir d’une hausse des indices boursiers propulsée par la croissance des résultats des entreprises. Ils s’appuient notamment sur le décalage des niveaux de marge entre entreprises européennes et américaines pour tabler sur un mouvement de rattrapage qui alimenterait un rebond des profits.
L’argument le plus souvent entendu est que les entreprises ont réduit leurs coûts pendant les années de crise. Du coup, même une faible croissance des ventes produira une croissance encore plus significative des résultats opérationnels, et donc une amélioration des marges – ce que l’on appelle le « levier opérationnel ».
Or les résultats publiés jusqu’ici n’ont pas vraiment été à la hauteur des attentes. Alors qu’en Europe, l’indice Stoxx Europe 600 a progressé de 5% environ au cours du premier semestre, les résultats des entreprises cotées n’ont progressé que de 1,1% au cours du premier trimestre, selon ThomsonReuters IBES.
Pour le deuxième trimestre, le marché table sur un rebond de 17,7%, en grande partie à cause d’un effet de base favorable (au cours du deuxième trimestre 2013, les résultats avaient chuté de 9,5%). Ce rebond devrait s’accélérer au cours des trimestres à venir (+14,9% au cours du troisième trimestre et +39,9% au cours du quatrième trimestre). Sur l’ensemble de 2014, les profits du Stoxx Europe 600 progresseraient de 8,9% selon ThomsonReuters IBES.
Dans une étude datée du 11 juillet, les stratégistes d’Exane BNP Paribas se montrent plus prudents. Pour l’indice Stoxx 600, leur modèle établit à 7% la croissance des résultats en 2014, puis à 8,4% en 2015 et 7,1% en 2016 (graphique).
« Ces prévisions sont sensiblement en-deçà du consensus. Il semble que le consensus bottom-up surestime quelque-chose – peut-être l’effet de levier opérationnel des entreprises européennes. Il faut également avoir conscience des données économiques récentes, qui ont été décevantes », écrivent Graham Stuart Bishop, Ian Richards et Valentin Fily.
Les stratégistes s’inquiètent d’un risque d’augmentation des coûts salariaux qui viendrait ronger l’effet positif du levier opérationnel. Ils notent en outre que la politique de réduction des coûts et des investissements des dernières années est « une arme à double tranchant », qui fait du bien à la croissance des résultats mais tend à réduire le levier opérationnel d’une société.
Ils notent enfin qu’au sein des actions européennes, 51% du marché est déjà proche des pics de marge. Dans cet ensemble, on retrouve des secteurs comme les biens d’équipement, l’automobile, le tabac, la chimie, les médias, l’alimentation et les produits d’hygiène et de beauté ou le luxe.
De plus, 53% des sociétés cotées ont un levier opérationnel plus faible que la moyenne des dix dernières années.