Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe les contributions externes d'experts. Le texte suivant a été rédigé par Véronique Riches-Flores, fondatrice et présidente de RFResearch.
Nous l'avions dit*, M. Draghi, au pied du mur, finirait pas appeler lui-même à un assouplissement des règles budgétaires, nous y sommes.
En effet, la surprise du symposium de Jackson Hole n’est pas venue de Mme Yellen dont l’intervention n’a ni surpris ni rien apporté de nouveau quant à sa stratégie monétaire mais bel et bien de Mr Draghi.
Le président de la BCE, tenu de plancher sur le thème central de cette rencontre, le chômage, a pris acte de l'extrême détérioration des conditions du marché du travail dans la zone euro. Son exposé ne pouvait le conduire à d’autres exposéconclusions :
- Les politiques d’austérité sont en large partie responsables de l’envolée du chômage qui frappe plus particulièrement les pays victimes de la crise souveraine.
- Sa réduction ne pourra résulter des seules réformes structurelles destinées à améliorer les conditions de développement de l’offre mais nécessite une politique de soutien à la demande.
- La BCE a encore les moyens et la détermination de faire davantage si nécessaire, notamment si les anticipations d’inflation continuent à baisser comme elles l’ont fait ces dernières semaines, mais « il serait utile que les gouvernements agissent également pour renforcer l’efficacité de la politique économique » en assurant une politique de soutien à la demande.
Le président de la BCE préconise ainsi quatre types d’actions :
1. L’utilisation des marges de manoeuvres existantes pour mener des politiques plus favorables à la demande, tant au niveau agrégé que national.
2. Une baisse ciblée de la fiscalité là où le multiplicateur fiscal est élevé en même temps que des baisses de dépenses dans les domaines peu productifs pour lesquels le multiplicateur est moins élevé
3. Une approche agrégée de l’orientation de la politique budgétaire pour l’ensemble de la zone euro, une plus grande coordination devant permettre d’assurer une orientation de la politique budgétaire plus favorable à la croissance de l’ensemble de la région.
4. Une action complémentaire au niveau de l’Union Européenne destinée à promouvoir un grand programme d’investissement public -“a large public investment programme”.
Aveu d’échec de la stratégie de sortie de crise et d’inquiétudes croissantes à l’égard des perspectives économiques de la zone euro et de la déflation, le discours du Président de la BCE est de nature à préparer un tournant de la politique économique en zone euro.
La balle est maintenant dans le camp des politiques, de Mme Merkel, bien sûr, seule à disposer de réelles marges de manoeuvres budgétaires mentionnées par M. Draghi, et de la force de persuasion de ses partenaires pour convaincre de la nécessité de changer le cap et d’impulser une véritable politique de croissance structurelle européenne.
Nos espoirs, souvent apparus illusoires ces derniers mois, s’en voient confortés.
Reste maintenant le passage à l’acte qui, à l’évidence prendra du temps mais devrait toutefois être aidé par l’évidence d’une nouvelle détérioration de la conjoncture et d’un contexte de prix déjà trop largement déflationniste.